Après avoir quitté le mont Sinaï, le peuple juif arriva au lieu nommé KivrotHataava[les Tombes du désir], où se déroula un immense drame :« Le ramassis de gens qui se trouvait au milieu d’Israël désirèrent du désir, et même les enfants d’Israël recommencèrent à pleurer et dirent : “Qui nous donnera de la viande à manger ? (…)Moché entendit le peuple qui pleurait pour sa famille…Moché fut attristé…“Je ne puis pas, à moi seul, porter tout ce peuple, car il est trop pesant pour moi…”D.ieu dit à Moché : “Assemble auprès de moi soixante-dix hommes des anciens d’Israël… Je prendrai de l’esprit qui est sur toi et Je le mettrai sur eux…L’Esprit reposa sur eux et ils prophétisèrent…Il y eut deux hommes, l’un appelé Eldad et l’autre Médad, qui étaient restés dans le ma’hané – le camp, et sur lesquels l’Esprit reposa… Ils prophétisèrent dans le ma’hané – le camp… Le vent amena des cailles et les répandit sur le ma’hané – le camp… La chair était encore entre leurs dents, sans avoir été mâchée, et ils moururent… On donna à ce lieu le nom de KivrotHataava, parce qu’on y enterra le peuple que la convoitise avait saisi »(Bamidbar 11, 4-34).
Le peuple qui pleurait pour sa famille signifie qu’ils se lamentèrent sur l’interdit d’épouser les proches parents (Sifri apporté dans Rachi). Jusqu’au don de la Torah, les enfants d’Israël avaient le statut de « fils de Noa’h », pour qui seules la mère, l’épouse du père et la femme mariée sont proscrites (ainsi que la sœur utérine selon certains avis).Au mont Sinaï s’ajoutèrent à celles-ci une dizaine de parentes, et nombre d’entre eux dut répudier leur épouse. Moché fut peiné que le peuple soit tant attiré par les plaisirs corporels de la nourriture et du mariage, et il ne pouvait plus supporter à lui seul le poids du peuple. D.ieu lui octroya soixante-dix sages pour le seconder, le peuple reçut la caille qui causa la mort de nombreuses personnes, et elles furent enterrées sur place.
Une aura prophétique
On note ici que la prophétie intervenait chez les sages uniquement à travers Moché : l’Esprit divin descendait sur lui et de là, il s’étendait sur les sages se tenant près de lui. Ainsi en fut-il avec d’autres prophètes dans le Tanakh : lorsque Chaoul arriva avec ses hommes dans le lieu d’étude du prophète Chmouel, l’Esprit divin s’étendit sur eux (Chmouel I 20, 20-24). Grâce àChmouel, qui était équivalent à Moché et Aharon (Roch Hachana 25/b), la prophétie se multiplia à son époque, et le nombre de prophètes dépassa le million (Méguila 14/a) jusqu’à la disparition du prophète Elie, à partir de laquelle la prophétie diminua (TosseftaSota, 12, 5).
Une personne méritante peut profiter de l’influence du sage même en étant loin de lui, ainsi, Eldad et Médad, méritèrent la prophétie, bien qu’étant restés dans le camp. De même que le prophète propage la prophétie autour de lui, le grand sage en Torah influe sur les autres sages, qui, grâce à sa compréhension, comprennent mieux leur propre étude : « Lorsque Rav Houna terminait son exposé en Babylonie, en se levant, ses élèves faisaient voler la poussière, qui couvrait la lumière du jour en Israël, ainsi les sages d’Israël savaient que l’exposé était terminé » (Kétoubot 106/a). La lumière du jour n’est pas le soleil, mais les éclaircissements exceptionnels de rav Houna (Yébamot 67/b), sommité rabbinique de la génération, qui éclairaient les étudiants en terre d’Israël, etleur compréhension profonde diminuait dès la fin des cours en Babylonie. En fait, l’étude ressemble un peu à la prière : « Celui qui ne peut assister à la prière en communauté, s’efforcera de prier au même moment que le public, cet instant étant propice à l’acceptation de la prière » (Bérakhot7/b).
Les trois « camps »
Eldad et Médad prophétisèrent trois événements, tous en lien avec le mot ma’hané –« camp » (Sanhedrin 17/a) : A.Moché mourrait et Yéhochouaconduirait le camp en terre promise (Sifri 11, 21, rapporté dans Rachi). B. Au lendemain de leur prophétie, les cailles arriveraient au camp, le peuple en mangerait et beaucoup d’hommes en périraient. C.A la fin du temps, Gog et Magog viendront à la tête d’un grand camp pour combattre le Machia’h, sans réussite. Pourquoi prophétisèrent-ils spécialement sur ces trois points ?
En fait, le Machia’himposera à l’humanité de vivre selon la morale et d’abandonner les comportements indignes. Ceux qui se sentiront contraints le refuseront, et enverront un camp militaire contre lui.C’est la guerre de Gog et Magog : « Pourquoi ce tumulte parmi les nations, ces vaines pensées parmi les peuples ? Pourquoi les rois de la terre se soulèvent-ils, et les princes se liguent-ils avec eux, contre D.ieu et contre Son oint ? Brisons leurs liens, délivrons-nous de leurs chaînes ! Celui qui siège dans les cieux rit d’eux… » (Tehilim 2, 1-4). Les nations subiront alors le sort qui s’abattitjadis sur le peuple juif, lorsqu’il voulut manger de la viande et conserver les femmes devenues interdites : ceux qui n’accepteront pas le Machia’het qui continueront dans la recherche de désirs pervers, seront condamnés à mourir (Ye’hezkel 39, 4-5).
La guerre de Gog et Magog
Pourquoi Eldad et Médad annoncèrent-ils la mort de Moché ? En fait, le prophète ou le sage, outre la Torah, amène au monde de la nourriture et le nécessaire pour le corps. Grâce aux mérites de Moché, le peuple mérita la Manne (Yoma 75/b), appelée la « nourriture des anges ». Ces derniers n’ont pas de désirs physiques, ainsi tout ceux qui mangeaient de la Manne n’avaient naturellement plus du désir en dehors de l’indispensable.
De même que le prophète suscite la crainte du Ciel dans le cœur de tout le peuple juif, ce dernier peut l’amener sur toutes les nations méritantes. Si les juifs n’avaient pas autant désiré la volaille, la recherche de plaisirs chez les non-juifs aurait aussi diminué, Moché aurait conquis la terre, et après la disparition des sept peuples pervers, l’humanité entière aurait accepté la morale. Dès lors, la guerre de Gog et Magog n’aurait pas eu lieu.
Mais du fait que malheureusement, les juifs dédaignèrent la Manne et demandèrent de la viande pour le plaisir, Moché ne pouvait plus les supporter tout seul, et il dut se faire seconder par les Sages. Moché se vit en outre refuser l’entrée en Canaan et fut remplacé par Yehochoua.Mais n’étant pas au niveau de son maître (Baba Batra 75/a), ce dernier n’influençait pas convenablement les nations. Ce n’est donc qu’à la venue du Machia’hque l’armée de Gog sera vaincue, les désirs futiles seront enterrés, et tous accepteront D.ieu et Son oint.