Saisie par un recours de « Yesh Din – Volontaires pour les Droits de l’homme » et de son représentant légal, Michaël Sfard, qui considéraient que Tsahal et l’Etat d’Israël avaient « inventé de nouvelles règles du Droit international pour justifier le nombre massif de victimes très mal vu par l’opinion publique mondiale » et que « les deux conditions d’utilisation d’une force létale contre les assaillants de la barrière n’existaient pas sur la frontière de Gaza » (à savoir le fait que les individus ciblés devaient représenter un danger ‘réel’ et ‘immédiat’), la Cour suprême a repoussé toute condamnation de l’attitude de l’armée israélienne pendant ces émeutes en qualifiant cette conduite et les règles d’engagement de Tsahal de « légales ». Une décision très importante en Israël même, mais aussi sur la scène internationale – où l’Etat juif a été vertement critiqué pour son prétendu « usage disproportionné de la force » contre les assaillants palestiniens – et aussi du fait que la Haute Cour de Justice israélienne est très respectée à l’étranger… Ce qui devrait rendre moins aisée la condamnation d’Israël par la Cour Internationale de Justice de La Haye déjà saisie par l’Autorité palestinienne qui escompte bien y faire condamner l’Etat hébreu pour « violations des droits de l’homme ».
Sans pouvoir se baser – pour d’évidentes raisons sécuritaires – sur de très récents documents émanant des Renseignements de Tsahal relatifs à ces émeutes et à leurs incidents les plus graves non encore répertoriés, la Cour a aussi repoussé deux autres arguments de Yesh Din selon lesquels les groupes d’émeutiers qui tentaient de franchir la barrière « ne représentaient pas une véritable menace ni pour les soldats de Tsahal ni pour les Israéliens de la région » et que « la plupart des manifestants gazaouis n’ayant pas pris directement part à ces actes hostiles, cela qui interdisait catégoriquement à Tsahal de cibler ces mêmes civils ne portant pas l’uniforme ».
Une double mise en garde adressée à Tsahal
Toutefois, les trois juges ayant rendu cet arrêt, qui fera certainement date dans la jurisprudence israélienne – à savoir la présidente de la Haute Cour, Esther Hayout, son vice-président Hanan Melcer et la juge Neal Hendel -, la Cour suprême a tenu à mettre en garde l’armée à au moins deux niveaux compte tenu du nombre important de personnes tuées et de gens blessés au-dessus de la poitrine : bien qu’elle ait déjà introduit depuis la fin mars dernier (date du début de ces émeutes) « quelques ajustements » à ses consignes de tir, Tsahal devra donc s’efforcer de procéder à certains « changements immédiats afin de s’efforcer de réduire le nombre des personnes atteintes », et aussi « enquêter cas par cas sur d’éventuelles violations à ses règles d’engagement par des soldats pris individuellement ».
Fait intéressant : lorsque pressé par le vice-président Melcer de « donner des exemples d’autres pays où la Cour suprême serait déjà intervenue pour modifier les règles de tir d’une armée ‘en pleine bataille’ », le plaignant Sfard s’est efforcé de citer le cas de Chypre qui avait déposé un recours contre l’armée turque devant la Cour européenne des droits de l’homme « pour son attitude trop agressive ».
Melcer lui a alors demandé : « Mais comment, selon vous, aurait-dû agir Tsahal sur la frontière de Gaza ? ». Ce à quoi Sfard n’a pu faire autrement que de lui répondre fort vaguement en disant : « Avec des méthodes non-létales »… Richard Darmon