La communauté de Metz, présidée par Philippe Wolff, est très ancienne. Des Juifs se sont implantés dans la région dès l’époque romaine et au milieu du Moyen-Age, le judaïsme était déjà florissant en Lorraine. Le fameux Rabbenou Ghershom Meor Hagola (« Lumière de l’exil »), l’un des guedolim du monde ashkénaze rhénan, est né à Metz vers 960 de l’ère commune avant d’étudier et d’enseigner à Mayence. Les quelque trois mille Juifs messins d’aujourd’hui sont donc les héritiers d’une longue histoire. De plus, le régime concordataire leur assure une certaine stabilité statutaire et budgétaire. L’érosion démographique dont pâtissent les communautés provinciales est moins accentuée ici qu’ailleurs. Les responsables consistoriaux – à commencer par le président de l’institution cultuelle mosellane, le docteur Jean-Claude Michel – tentent d’attirer les jeunes couples avec deux arguments de poids : une vie juive paisible, plutôt bien sécurisée, et le plein emploi grâce à la proximité du Luxembourg qui regorge d’offres économiques alléchantes. Plusieurs familles se sont laissé convaincre…Le rav Bruno Fiszon, grand rabbin de la ville et du département, s’est même payé le luxe d’ouvrir un nouveau mikvé, pour les kelim (ustensiles de cuisine) uniquement. Il fonctionne depuis deux mois mais est inauguré officiellement ce 18 mars. « A Metz, explique-t-il à Haguesher, il existe depuis longtemps un double mikvé pour hommes et femmes mais situé à une demi-heure de marche de la synagogue et du centre communautaire. On peut difficilement y accéder en journée et tout le monde n’a pas la possibilité de laver sa vaisselle dans une eau vive… Tandis que ce bain rituel est disponible en permanence dans notre centre. Cela devrait inciter davantage de foyers à accomplir la mitsva et il sera fort utile au personnel de la cantine casher et de notre école (du gan à la troisième), toutes deux installées au même endroit ». Le mikvé a été construit en souvenir de ses grands-parents par un fidèle, architecte de profession : Franck Sémécas. Le rav Yaacov Atlan, chalia’h ‘Habad et ‘hazan de Metz, s’est aussi beaucoup investi dans la conception du projet. L’inauguration se prolongera, dans l’après-midi, par un buffet suivi de trois tables rondes sur l’agencement d’une cuisine casher, le rôle du mikvé dans l’univers de la Torah et la problématique de la che’hita au regard de l’activisme des mouvements de défense du bien-être animal (souvent mal renseignés sur les pratiques conformes à la Halakha). Le rav Fiszon s’exprimera sans doute longuement à ce sujet. C’est un expert puisqu’il a fréquenté l’école vétérinaire de Nantes avant d’entrer au Séminaire parisien de la rue Vauquelin. Il est d’ailleurs conseiller du grand rabbin de France, Haïm Korsia, dans ce domaine particulier et participe régulièrement aux réunions organisées par l’Etat ou l’Union européenne sur l’abattage rituel. Notre interlocuteur estime que le groupe scolaire juif messin, qui accueille environ soixante-dix élèves dans un cadre pédagogique reconnu pour sa qualité, est la clé de voûte de la communauté. Sa pérennité devrait assurer son avenir, même si les plus pratiquants n’ont d’autre choix que d’envoyer leurs enfants dans les établissements confessionnels strasbourgeois après la classe de troisième. « Il n’empêche que l’ancienneté du judaïsme local nous donne quelques privilèges exceptionnels dans ce pays, souligne le rav Fiszon : un érouv pour l’ensemble de la ville, un cimetière juif vieux de plus de deux siècles et géré exclusivement par le Consistoire, une che’hita régionale (et une boucherie)… enfin trois offices différents à la synagogue : ashkénaze, polonais et séfarade. Au total, cent cinquante personnes participent à la tefila du Chabbat matin ». Le grand rabbin veut à présent développer les chiourim et se déclare « en pourparlers » pour trouver à cet effet un rav français ou israélien – une perle rare qui accepterait de le rejoindre.