Pour certains historiens de la Shoah, la loi votée par le parlement polonais est l’une des expressions du regain de nationalisme que l’on constate ces dernières années dans certains pays d’Europe Centrale, un nationalisme qui s’accompagne d’un désir pour ces pays de se disculper de leurs responsabilités dans la Shoah. Le paradoxe est que dans la mémoire collective juive et israélienne, la Pologne a occupé une place prépondérante dans le processus d’extermination nazi alors qu’historiquement il n’en n’est rien, comme l’explique l’historien le Dr Simmy Epstein : « Durant la guerre la Pologne a été un pays occupé par les Nazis et elle n’a pas pu collaborer avec eux parce qu’elle était entièrement sous leur joug. Ce qui n’a pas été le cas, par exemple de la Roumanie, la Slovaquie ou la Hongrie qui étaient eux de véritables alliés « étatiques » de l’Allemagne. C’est l’armée roumaine qui a procédé à cette effroyable déportation des Juifs de Bessarabie. C’est la police hongroise qui va arrêter et déporter les Juifs de Transylvanie en 1944 », rappelle-t-il. Quant à la décision des Nazis de construire les six camps d’extermination sur le sol polonais elle n’a pas été prise, de l’avis général, parce que les Nazis comptaient pour les réaliser sur la collaboration des Polonais, mais pour des raisons techniques, tout simplement parce que c’était en Pologne qu’il y avait le plus de Juifs et que le territoire polonais était entièrement accessible et central pour les planificateurs de la solution finale : « La Pologne était relativement proche des centres européens et comme il n’était pas question de construire ces camps en Allemagne ou en Bohème, ils les ont érigés en Pologne. Mais c’était des camps nazis et des camps allemands, pas polonais ». Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas eu d’expressions massives de haine des Juifs durant cette période tragique. Il y eut plusieurs villages entiers qui se sont livrés à des persécutions criminelles contre leur communautés juives ; il y a de nombreux individus qui ont livré des milliers de Juifs à la Gestapo et ont entraîné ainsi leur mort. Mais il y a également eu de très nombreux Polonais qui ont sauvé des Juifs au péril de leur propre vie. Récemment, un film a rappelé à ce propos le souvenir de la gardienne du zoo de Varsovie qui, avec beaucoup de courage, a caché des centaines de Juifs dans l’enceinte du zoo dévasté au début de la guerre par un bombardement nazi. Ce n’est pas un hasard si à ce jour, plus de 7000 citoyens polonais ont reçu le titre de Juste des nations du Yad Vashem à Jérusalem, soit un tiers de l’ensemble des Justes des Nations récompensés pour leur courage. Pour Simmy Epstein, « le vote de cette loi prouve que l’extrême droite polonaise, partie certes d’un sentiment légitime, elle est allée beaucoup trop loin et cela, c’est inacceptable ».
Daniel Haïk