Pour chaque plaie, la Torah précise qu’elle ne frappait que les Egyptiens ou encore qu’elle ne s’étendait pas en terre de Gochen, où habitaient les enfants d’Israël. Mais pour la plaie de la vermine (Kinim), il est écrit : « L’Eternel dit à Moché : « Dis à Aaron : Etends ton bâton et frappe la poussière de la terre, et elle se changera en vermine dans tout le pays d’Egypte (…) ». Toute la poussière de la terre se transforma en vermine, par tout le pays d’Egypte ». (Chémot 8, 12-13). Cette plaie frappe partout en Egypte, et donc pays de Gochen inclus, lequel ne semble pas avoir été épargné.
Il est à remarquer que, lors de la plaie des grenouilles, Pharaon s’empresse de demander à Moché de le débarrasser de celles-ci ; par contre, s’agissant de la vermine, curieusement, Pharaon ne demande rien.
Le supplice de chaque plaie, pour les égyptiens, était double. Ils souffraient de la plaie en elle-même, mais aussi du fait que les enfants d’Israël, eux, continuaient de vivre tranquillement. Voir son voisin en paix, pour celui qui souffre, est plus dur que sa propre souffrance, d’autant que ce voisin en est la cause plus ou moins directe.
A propos des guerres d’Israël, le Cohen s’adressait au peuple pour dire : « Si quelqu’un a bâti une maison neuve et n’en a pas encore pris possession, qu’il parte et s’en retourne chez lui ; car il pourrait mourir dans la bataille, et un autre en prendrait possession », et aussi : « Celui qui a promis mariage à une femme… car il pourrait mourir dans la bataille, et un autre homme l’épouserait » (Dévarim 20, 5-7). Des causes invoquées, le risque de mourir en guerre ou celui de perdre sa fiancée ou sa maison devrait suffire ! Pourquoi la Torah précise-t-elle qu’un autre le supplanterait ? C’est que la Torah sonde les cœurs et nous révèle la nature profonde de l’homme et les sentiments de dépit, de jalousie ou de haine qu’il peut éprouver, même lorsqu’il est en situation de détresse personnelle.
Le Rav Chalom Chvadron zatsal répond à toutes nos interrogations. Effectivement, la plaie de la vermine se trouvait aussi en terre de Gochen, le sol fourmillait de poux, mais les enfants d’Israël n’en furent pas touchés (Rambam Avot ch 5, michna 4). Pharaon, quant à lui, s’était convaincu que la vermine frappait aussi les Bnei Israël. C’est pourquoi il ne voulait pas demander à Moché de retirer cette plaie, préférant l’endurer le plus longtemps possible, dès lors que les enfants d’Israël en étaient atteints, eux aussi.
Pharaon s’imaginait, comme pour la plaie des grenouilles, qu’il lui suffisait de promettre la libération des Juifs, pour que toute plaie s’arrête et disparaisse, quitte à revenir ensuite sur sa décision. Mais, bien qu’à la plaie suivante, celle des bêtes sauvages, il ait déclaré : « Je vous laisserai partir », la vermine ne s’est pas arrêtée. C’est l’Eternel qui décide, et tient à le lui faire savoir ! D’ailleurs, la Torah ne mentionne pas l’arrêt de la vermine, alors qu’elle enchaîne immédiatement sur la plaie des bêtes sauvages. Les commentateurs rapportent le verset dans Téhilim (5, 31) : « Il dit et des bêtes malfaisantes firent irruption, la vermine sévit dans toute leur contrée ». La plaie de la vermine est donc mentionnée, encore présente, et elle ne disparaîtra pas.
Cette plaie resta en Egypte, tout comme les ulcères, à propos desquels il est dit : « De l’ulcère de l’Egypte… dont tu ne pourras guérir… » (Dévarim 28, 27). Les ulcères également ne quittèrent pas les égyptiens, parce que pour ces deux plaies, vermine et ulcères, les égyptiens et Pharaon n’ont pas supplié, ni même prié l’Eternel de les sauver, et sans prières, relayées par Moché, les plaies ne disparaissaient pas de l’Egypte.
Rav Binyamin Beressi