Pour l’économiste Jacques Bendelac, 2017 a poursuivi sur sa lancée de 2016.
Que peut-on dire globalement de la croissance économique d’Israël en 2017 ?
– La croissance du PIB est restée soutenue (3,2%), avec une inflation à 0,3% et un chômage très bas (autour de 4%).Ces chiffres s’expliquent essentiellement par le haut niveau de la consommation des ménages. Autre facteur favorable : le tourisme record (3,6 millions de visiteurs), qui a fait entrer beaucoup de devises dans les caisses du pays. En revanche, les exportations ont souffert d’une monnaie surévaluée. Ce qui n’a pas empêché les entreprises de renouveler massivement leurs équipements, maintenant l’investissement à un seuil élevé. Le high tech israélien continue aussi d’attirer des capitaux étrangers ; en 2017, les ventes d’entreprises de pointe ont totalisé 7,4 milliards de dollars, contre 3,5 milliards en 2016. Evidemment, il y a aussi des échecs : la crise de l’immobilier, et le niveau général des prix en Israël, toujours supérieur de 20% à la moyenne des pays de l’OCDE.
Sur le marché du travail (emploi, salaires), quelles ont été les tendances ?
– Il a connu des tendances contradictoires. D’un côté, les salaires ont progressé en moyenne de 3% en 2017. Ce boom du salaire moyen (qui a dépassé les 10.000 shekels à la fin 2017, soit 2.400 euros) est notamment dû au relèvement du salaire minimum, passé de 4.825 shekels en décembre 2016, à 5.300 shekels en décembre 2017, soit près de 10% de mieux en un an. En revanche, 2017 restera dans les annales comme une année marquée par des faillites record comme Teva, Bezek, Fishman, etc. Or malgré les licenciements massifs, le chômage a poursuivi sa baisse : 4,3% fin 2017 contre 4,5% fin 2016. En fait, 2017 aura été une année de tous les paradoxes sur le marché du travail : d’un côté, la population active a augmenté de 25 000 personnes, du fait de la participation croissante des orthodoxes, des arabes et des nouveaux immigrants ; de l’autre, il existe en Israël une pénurie de main d’œuvre pour de nombreux métiers. A souligner aussi que, si Teva détruit des postes, d’autres investisseurs étrangers créent des emplois en Israël, comme le français Décathlon, qui vient d’ouvrir un magasin à Rishon Letzion.
Qu’en est-il de la pauvreté et des inégalités ? Remarque-t-on une amélioration, une stagnation ou une aggravation ?
– La tendance semble à l’amélioration : le dernier rapport sur la pauvreté indique une légère baisse. Ce recul ne doit pas nous faire oublier qu’il reste en Israël 463 000 familles pauvres. Malgré les progrès récents, l’Etat hébreu demeure toujours en tête des 35 pays de l’OCDE pour son taux de pauvreté. Certes, l’amélioration du niveau de vie observée devrait se poursuivre jusqu’en 2018, avec la hausse prévue de certaines prestations sociales. En revanche, tous les Israéliens ne profitent pas de la même façon de la croissance ; les riches ont tendance à s’enrichir davantage, notamment parce que l’impôt sur le revenu n’est pas très élevé en Israël ; en bas de l’échelle, les pauvres ont du mal à s’en sortir, car le coût de la vie (immobilier compris) reste élevé, malgré les efforts du gouvernement pour faire baisse les prix des produits de consommation courante.
Quel est le bilan en matière de santé et d’éducation ? Tous les Israéliens sont-ils logés à la même enseigne ?
– Selon l’OCDE, la dépense civile par habitant en Israël est l’une des plus basses des pays occidentaux ; l’Etat consacre relativement peu de moyens à la santé, l’éducation et le bien-être social. Et ce sont les pauvres qui en pâtissent, car ils consomment davantage de services publics que les nantis. Ainsi, les Israéliens riches sont en meilleure santé que les pauvres, car ils se tournent davantage vers la médecine privée. Les classes aisées vivent aussi plus longtemps que les défavorisées. Les mêmes inégalités existent en matière d’éducation : à Tel Aviv, le taux de réussite au baccalauréat était, l’an dernier, de 79%, contre 65% dans le nord du pays. Certes, le gouvernement israélien a fait beaucoup d’efforts en 2017 pour revaloriser le salaire des enseignants, réduire les écarts géographiques et améliorer les résultats scolaires, mais les effets ne se feront sentir que dans un an ou deux.
Propos recueillis par Noémie Grynberg