Procès Merah
« Même les nazis cachaient leurs crimes… »
En attendant le verdict du 2 novembre, les avocats des parties civiles (dont deux dirigeants communautaires) ont rappelé dans leurs plaidoiries, qu’Abdelkader était plus qu’un complice : il a inspiré fièrement et téléguidé les meurtres de son frère.
Les avocats des parties civiles dans le procès Merah ont plaidé la culpabilité du frère du tueur au scooter, qui a comparu pendant quatre semaines devant la cour d’assises spéciale de Paris. Le verdict devait être rendu ce 2 novembre.
« Mohamed Merah était fort parce qu’il n’était pas seul. Abdelkader était son modèle », a déclaré Simon Cohen, représentant les familles Sandler et Monsonégo, précisant : « Il était là tout le temps, comme s’il lui tenait la main. Il a trouvé un disciple et en a fait un soldat ». « Merah était inspiré par le penseur, son mentor, son frère », a renchéri Olivier Morice, conseil de la famille d’un militaire assassiné par le terroriste.
Philippe Soussi, avocat de Bryan Bijaoui, cet adolescent blessé pendant la tragédie de l’école Ozar Hatorah, a qualifié d’« imposture », la défense du prévenu. « Abdelkader serait une sorte d’otage, victime d’un acharnement. Franchement, si on l’écoute, il serait le Martin Luther King de la cité toulousaine des Iézards… Soyons sérieux ! », s’est-il exclamé.
Revenant sur l’image du loup solitaire véhiculée à l’époque par les autorités, Olivier Morice a affirmé qu’il s’agissait pour le pouvoir « de justifier devant l’opinion publique son incapacité à prévenir ce type d’attentats ».
Concernant les preuves matérielles de la complicité des deux frères, « nous avons les documents » retrouvés sur l’ordinateur d’Abdelkader, dont « 10% » étaient des cours de préparation au djihad, a relevé Simon Cohen.
S’adressant à l’accusé, Philippe Soussi a lancé : « Vous vouliez un monde sans juifs, sans chrétiens, sans militaires, un monde sans kouffars (“mécréants” en arabe – NDLR)… Mais vous avez perdu, a-t-il conclu. Vous n’imaginiez pas à quel point nous aimons la vie ».
Un autre avocat, Fabrice Labi, a vivement ému l’assistance pendant ses dix minutes de plaidoirie. Il représentait Barou’h Sabbah, un enseignant présent dans l’établissement juif le jour de la tuerie. « Il a précédé de quelques minutes Jonathan Sandler, a-t-il indiqué. Cela aurait pu être lui. Il a organisé la fuite des personnes enfermées dans la synagogue de l’école. Ils ne s’apercevront qu’en sortant de l’horreur indescriptible à laquelle vous êtes lié à tout jamais, Abdelkader Merah. Vous avez choisi le sensationnel, dans votre posture de défense, plutôt que l’humilité (…). Les débats ont mis en lumière l’activité qui était la vôtre, celle d’avoir programmé Mohamed. Peut-être ne ressentez-vous rien. La multiplication des intervenants à cette barre montre qu’ils sont nombreux à souffrir. (…) Mais sachez que la vie va continuer, et qu’ils vont se reconstruire ».
Elie Korchia, qui plaidait également au nom des Sandler (et par ailleurs vice-président du Consistoire de Paris), a égrené pêle-mêle les propos tenus par Abdelkader Merah en garde à vue, durant l’instruction et le procès : « Il a dit que son frère était tombé face à “l’ennemi” français, que les crimes de Mohamed étaient un cadeau…» Et d’insister ainsi : « C’est une nouvelle forme de fascisme à laquelle nous avons affaire aujourd’hui : l’islamisme radical. Ce n’est pas une guerre de civilisation. C’est une guerre de conquête au moyen de la terreur. (…) Et avec encore plus de morbidité, car même les nazis voulaient cacher leurs massacres. Mohamed Merah a filmé ses actes et a envoyé la vidéo à la chaîne de télévision France 24 ».
Ariel Goldmann, président du Fonds social juif unifié (FSJU) et aussi avocat des Sandler, a accusé Abdelkader d’être non seulement responsable indirect des drames de 2012, mais aussi de la mort de son propre frère. « Vous souhaitiez d’ailleurs qu’il aille au paradis », a-t-il souligné en s’adressant à lui. Il a confié ensuite avoir vu le sang des victimes quelques heures après leurs décès, enchaînant : « Ces audiences m’ont rappelé, à bien des égards, le procès Papon que j’ai suivi en 1998 ».
Plusieurs plaideurs ont évoqué, dans un climat tendu, les enfants victimes enterrés en Israël, et le pistolet-mitrailleur Uzi fourni au djihadiste par le second prévenu assis dans le prétoire, Fettah Malki.
On sait enfin que Samuel Sandler avait raconté à la barre, quelques jours auparavant, ses souvenirs de l’Occupation. « A la Libération, avait-il ajouté, je me suis consolé en me disant qu’en France, jamais plus on ne tirerait sur des petits parce que juifs – jusqu’au 19 mars 2012. (…) L’assassin des miens était fier de ses actes, il les a filmés. Depuis ce jour-là, c’est une souffrance d’entendre son nom pour toutes les victimes. Moi, je ne le prononce pas, ce serait lui donner une once d’humanité ». Sans regarder le box, d’où Abdelkader Merah ne le quittait pas des yeux, le témoin avait glissé son avis sur l’accusé : « C’est pour moi un maître à penser, un maître à tuer. Un Eichmann des quartiers ».