Vers de nouveaux rapports de forces militaires à la frontière nord d’Israël ?
Les propos du chef d’état-major iranien, jugeant « inacceptables » les raids aériens israéliens sur la Syrie, pourraient augurer une nette aggravation des tensions dans la région…
En visite le 18 octobre dernier à Damas pour rencontrer son homonyme syrien, le général Ali Ayoub – et aussi, officieusement, le président Bachar Assad – afin de discuter de leur coopération militaire de plus en plus étroite après les reculs de Daesh en Syrie, le chef d’état-major de l’armée iranienne, le général Mohammed Bagheri a prononcé une « petite phrase » très remarquée en forme de sévère mise en garde à l’encontre d’Israël, en déclarant : « Il n’est pas acceptable que le régime sioniste viole l’espace aérien syrien chaque fois qu’il le veut ». Et d’ajouter : « Nous sommes venus à Damas pour accentuer la coordination et la coopération face à nos ennemis communs, les sionistes et les terroristes ».
Des mots aussitôt interprétés par les experts stratégiques de la région et les responsables de l’establishment sécuritaire israélien, comme l’annonce d’un prochain durcissement des positions de Téhéran dans sa défense du régime syrien d’Assad, notamment par l’intermédiaire du Hezbollah et des autres milices pro-chiites agissant au Liban et en Syrie.
Ce qui ne signifie pas encore que, dès le prochain raid des escadrilles de F-15 israéliens en riposte à de nouvelles et probables provocations de l’artillerie ou de la défense anti-aérienne syriennes (qui ont d’ailleurs tiré depuis dix jours plusieurs fois en direction des avions et aussi du territoire israéliens), on verra désormais les Iraniens riposter directement avec leurs missiles. Car cette « riposte » interviendra plutôt par l’intermédiaire de leur bras-avancé dans la région, la milice chiite du Hezbollah, lourdement déployée en Syrie depuis cinq ans aux côtés des forces d’Assad, et que Téhéran compte justement beaucoup renforcer par de nouvelles et imposantes livraisons d’armes avancées, dont des missiles encore plus puissants et précis.
Nétanyaou a aussitôt téléphoné à Poutine…
En tous cas très alarmé par ces propos clairement belliqueux du chef de l’armée iranienne prononcés au cœur de la capitale syrienne, le Premier ministre Nétanyaou devait téléphoner le jour même au président russe, Vladimir Poutine, pour lui demander confirmation des propos tenus presque en même temps par le ministre russe de la Défense, Sergei Choïgu, alors en visite en Israël, et selon lesquels Moscou aurait accepté de contenir les forces iraniennes et le Hezbollah à 15 km de la frontière israélienne… Et ce, alors que le Premier ministre avait demandé au début de l’été à Poutine, lors d’une rencontre au sommet, l’établissement en Syrie d’une « zone de sécurité » de ce genre, mais de 40 km de profondeur…
Alors que ces échanges confirment bien que ce sont toujours les Russes qui, aux yeux des Israéliens, restent le facteur dominant en Syrie, si Moscou ne contenait les Iraniens et le Hezbollah qu’à 15 km seulement d’Israël, cela laisserait à ces derniers une fort dangereuse marge de manœuvre pour agir avec leur artillerie et leurs missiles contre Tsahal, dans les airs et sur le sol, en menaçant gravement l’intégrité aérienne et territoriale de l’Etat hébreu.
Quoi qu’il en soit, les propos de Bagheri et leurs suites ouvrent une probable course de collision – pas forcément éloignée dans le temps – entre Israël et l’Iran sur le terrain déjà largement miné de la guerre civile syrienne… D’autant que Téhéran déploie actuellement d’énormes efforts logistiques, financiers et militaires pour renforcer l’axe Bagdad-Damas-Beyrouth-Gaza. Ce qui pourrait aussi déboucher, à terme, sur une confrontation régionale d’envergure.