Dan et Gilles, des amis d’enfance, se faisaient entièrement confiance et décidèrent de s’associer dans une affaire pour une durée de deux ans. Au bout de trois mois, Gilles reçoit une plainte d’un client disant que Dan a essayé de le tromper. Dan avoue, regrette son méfait et promet de ne plus recommencer. Gilles demande à dissoudre immédiatement leur association. Dan n’est pas d’accord et prétend que ce partage en milieu de période fixée lui causera des pertes. De plus, il assure s’être conduit loyalement vis-à-vis de son associé, affirmant qu’il comptait partager avec lui l’argent volé et qu’il est même prêt à le dédommager pour la mauvaise réputation qu’il lui aurait causée. Mais Gilles refuse de lui donner une chance supplémentaire. Ils se tournent tous deux vers le Beth Din pour régler ce litige.
Réponse : Le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat (186;15) écrit : « Dans le cas d’associés ayant fixé une période d’association, chacun pourra empêcher l’autre de se retirer au milieu ». Le Rama rajoute : « Si [l’un des associés] a modifié [les termes ou le but de l’association,] commis une faute ou transgressé une condition, il [l’autre associé] ne pourra pas dissoudre l’association, mais [le premier] devra payer les pertes causées (Rambam) ; certains pensent qu’il pourra dissoudre l’association (Mordékhaï). » Le Kessef Hakodachim (ibid.) ajoute que si un associé a volé, le deuxième pourra l’obliger à dissoudre l’association, mais pas en cas de simple soupçon. Il s’agit évidemment du cas où le premier a volé son associé. Dans notre cas en revanche, Gilles ne soupçonne pas Dan de l’avoir volé, mais il déplore sa conduite malhonnête envers un client. Est-ce une raison valable pour dissoudre l’association ? Il semblerait que oui. En effet, le Choul’han Aroukh 306 énonce une liste d’employés que l’on peut licencier dès la première erreur, et la raison donnée par le Sma 20 est qu’il s’agit d’erreurs que l’on ne peut dédommager ou évaluer. Le Nétivot (186;33) écrit au nom du Bet Yossef que la loi concernant l’associé est semblable à celle de l’ouvrier. Il se base sur ce Sma pour affirmer qu’il n’y a en fait pas de controverse entre le Rambam et le Mordekhaï cités plus haut dans le Rama. La loi dépend de la question de savoir si la faute commise par l’associé est réparable ou non. Or, un tort qu’on ne peut évaluer est considéré comme irréparable. Dans notre cas, le tort causé par Dan ne peut être mesuré : on ne saura jamais combien de clients se sont éloignés de leur affaire suite à la mauvaise réputation que lui a faite la personne que Dan a essayé de tromper. Gilles a donc le droit de rompre leur association.