La décision exceptionnelle de Binyamin Nétanyaou d’opposer, ce dimanche, son veto à l’amendement à la loi fondamentale : Jérusalem présentée par le Foyer Juif et par son leader Naftali Benett, a surpris la classe politique israélienne et stupéfait l’aile droite du gouvernement. Analyse et explication.
Pourquoi en effet le Premier ministre freinerait-il, en faisant usage de son veto, la promotion d’un amendement qui sert sa politique puisqu’il stipule que toute concession territoriale dans Jérusalem dans le cadre d’un processus de paix devra être validée par 2/3 des députés de la Knesset ? Officiellement on a affirmé au Likoud que Benett ne peut raisonnablement présenter un amendement à la loi fondamentale : Jérusalem sans se concerter avec Zeev Elkin (Likoud) qui occupe également les fonctions de ministre de Jérusalem. Mais il ne s’agit là que d’un prétexte fourni par l’entourage du Premier ministre. En effet les deux raisons essentielles de ce veto rarissime sont d’ordre diplomatique mais aussi d’ordre personnel.
Première explication sérieuse : six mois après son arrivée à la Maison Blanche Donald Trump n’a toujours pas arrêté de position officielle dans le conflit israélo-palestinien et il en est encore au stade de l’étude de ce lourd et complexe dossier. Et Binyamin Nétanyaou veut avant tout prouver sa bonne volonté. Non pas tant parce qu’il croit que les pourparlers, parrainnés par Trump vont aboutir mais plutôt, parce qu’il ne veut absolument pas risquer d’être tenu pour responsable d’un échec des négociations qui se produira, tôt ou tard. Alors il est vrai que le Premier ministre israélien considère que ce n’est pas seulement un droit mais aussi un devoir de construire dans la capitale. Mais il ne veut pas qu’un tel projet de loi puisse fâcher le président américain. D’où sa décision de « suspendre » dans un premier temps, la mise en application de cette loi.
Mais la seconde explication est la plus intéressante car elle nous ramène aux relations entre Binyamin Nétanyaou et son « bienfaiteur », le milliardaire juif et patron de Casino, Sheldon Edelson. Jusqu’à ces derniers mois, on considérait qu’Edelson, le propriétaire du quotidien gratuit Israël Hayom, restait solidement attaché à son « poulain » israélien. Mais depuis les révélations du dossier judiciaire 2000 sur les rencontres « secrètes » entre Nétanyaou et Arnon Moses le pire rival d’Edelson et patron du Yediot Aharonot, l’amitié profonde entre les couples Nétanyaou et Edelson se serait altérée. Edelson, qui finance depuis 10 ans le Israël Hayom à coup de centaines de millions de dollars, n’aurait pas apprécié que Nétanyaou fricote avec son rival du Yediot, derrière son dos. Et aurait encore moins apprécié le douteux plaisir d’être interrogé la semaine dernière par les enquêteurs de la police dans le cadre de cette affaire. Voilà pourquoi tous les observateurs ont remarqué que lors de la cérémonie inaugurale de la faculté de médecine de l’Université d’Ariel (Samarie), la semaine dernière, Sheldon Edelson, qui a versé 25 millions de dollars pour construire cette faculté, est apparu très distant du Premier Ministre et ne l’a même pas mentionné dans son discours, alors qu’il a pourtant pris le temps de plaisanter avec… Naftali Benett. Nétanyaou n’aurait pas du tout apprécié « l’ingérence » du leader du Foyer Juif dans une relation avec Edelson qui était jusque-là exclusive. Mécontent, Nétanyaou a donc voulu se venger en entravant la démarche de Benett. Mais depuis, les différends et tensions se sont aplanis et dès dimanche soir Naftali Benett et Zeev Elkin (Likoud) ont trouvé un compromis qui devrait être soumis à l’aval de la commission interministérielle des lois. Ce dossier est donc apparemment réglé. Par contre, si Binyamin Nétanyaou n’entreprend pas très vite une démarche de rapprochement, il risque bel et bien de voir Edelson cesser de le cautionner. Ce qui marquerait pour lui le « début de la fin ».
Daniel Haïk