Le 14 mai, le Consistoire de Strasbourg a désigné le rabbin Harold Avraham Weil au poste de grand rabbin de la capitale alsacienne. Le rav Weil qui fut pendant 7 années le rabbin de Toulouse prendra ses fonctions en septembre. Il réagit pour Haguesher à sa nomination et dévoile la nature du « défi » qui l’attend à ses yeux.
C’est le rav Harold Avraham Weil, trente-quatre ans, que le Consistoire du Bas-Rhin a choisi le 14 mai pour succéder au grand rabbin René Gutman, qui prend sa retraite. Le rabbin de Toulouse deviendra donc grand rabbin de Strasbourg et de sa région en septembre prochain. Fils unique d’une famille pratiquante, il a vécu et étudié dans la capitale alsacienne jusqu’à ses dix-huit ans. Après un bac scientifique obtenu à l’école Aquiba, il a intégré la yéchiva israélienne Shaalvim puis le Séminaire parisien de la rue Vauquelin, tout en officiant à Nancy le chabbat. Recruté dans un premier temps à Anvers, en Belgique, il a été nommé à Toulouse à l’âge de vingt-sept ans. Il y est resté sept saisons, avant de revenir dans la ville de sa jeunesse en compagnie de son épouse Eydel et de ses trois enfants âgés de deux, quatre et sept ans.
-Haguesher : Vos deux challengers, les grands rabbins d’Aix-en-Provence et de Metz, le rav Daniel Dahan et le rav Bruno Fiszon, n’étaient pas strasbourgeois comme vous. Est-ce votre origine locale qui a poussé le Consistoire à vous désigner ?
-Rav Harold Avraham Weil : Son président, Jean-Paul Kling, a répondu clairement par la négative. D’ailleurs, le rav Fiszon est mosellan, il connaît lui aussi parfaitement la région. J’ai été choisi, paraît-il, pour mes qualités personnelles et spirituelles.
– Votre jeunesse a dû peser dans la balance.
– Je le pense.
– Comment réagissez-vous à cette nomination ?- Mon épouse et moi-même avons conscience de l’honneur qui m’est fait et du défi à relever. Nous mesurons également la force de l’héritage laissé par le rav René Gutman, apprécié par le tsibourpour son comportement, pour sa plume comme pour ses discours.
– De quelle nature est ce défi ?
– Strasbourg bénéficie d’infrastructures communautaires extraordinaires, mais l’émiettement du judaïsme local en une multitude de synagogues indépendantes, orthodoxes pour la plupart, et aussi l’assimilation de certains Juifs qui abandonnent la pratique sont tels que l’institution consistoriale pâtit d’une désaffection préoccupante. Or, elle devrait à mon sens représenter le cœur de la communauté et rendre tous les services dont elle a besoin. Il faut lui redonner vie. Il est regrettable, par exemple, que la grande synagogue de la Paix se dépeuple le chabbat, alors qu’elle était pleine de fidèles autrefois.
– Comment y faire face ?
– Je dévoilerai mes projets en septembre, lorsque je prendrai mes fonctions. Pour l’heure, je dirais simplement qu’il faudra penser avant tout à la jeunesse. Quand j’étais enfant puis adolescent, j’étais inscrit aux Eclaireurs israélites. J’ai fréquenté en outre le Bné Akiva. Ce mouvement pouvait rassembler plus de cent jeunes le chabbat. Aujourd’hui, il a carrément disparu de la ville…
– Comptez-vous inciter nos coreligionnaires priant dans les choules orthodoxes à les abandonner au profit des synagogues consistoriales ?
– Absolument pas. Il ne s’agit nullement de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je l’ai souligné : c’est une question de centralité, d’unité de la communauté. Et bien sûr de dynamisme. Il faut revitaliser le pôle consistorial et lui donner toute sa place, au détriment de personne.
– Strasbourg peut-elle générer encore des grandes figures intellectuelles et rabbiniques qui ont tant fait pour le rayonnement unique en diaspora comme en Israël du judaïsme alsacien ?
– Je le crois et c’est l’une des raisons qui m’ont conduit à postuler et accepter cette charge nouvelle pour moi. C’est une tâche exaltante. Je ne suis pas devenu grand rabbin de Strasbourg pour ma gloriole personnelle, d’autant que tout se passait bien à Toulouse : après les épreuves que nous avons traversées, la communauté s’est ressaisie. Elle est plus sereine et participe pleinement aux activités cultuelles. Pour Lag Baomer, nous avons réuni deux cent cinquante personnes ! C’est donc à regret que je quitte la ville.
Propos recueillis par Axel Gantz