Jeudi 25 mai 2017, alias 29 Iyar 5777, les aiguilles de nos montres vont s’arrêter pendant quelques précieux instants. Sans un regard pour les montagnes de linge qui s’amoncellent dans nos buanderies, nous allons toutes ouvrir nos « Anéni » et réciter une supplication très particulière pour la réussite spirituelle et matérielle de nos chères têtes blondes. Très particulière, parce que son auteur, le Chela Hakadoch, préconise à tous les parents juifs de la lire en ce jour plus qu’en un autre ; veille de Roch Hodech Sivan. Mais ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi ce jour est-il si propice ?
Tehilim & Treren
Lorsque l’on demandait au Brisker Rav, Rabbi Itshak Zéèv Soloveïtchik, quel était le secret dune éducation réussie, il répondait immanquablement par les deux mots suivants : « Tehilim und Treren ». En français dans le texte, cela donnerait : réciter des psaumes et verser des larmes. Certes, cette double exigence ne nous exonère pas pour autant d’accomplir bien d’autres efforts concrets en vue de l’épanouissement de nos juniors. Comme leur apprendre la politesse et la propreté. Comme veiller à leurs occupations et à leurs fréquentations. Ou comme les imprégner d’amour et d’assurance. Mais le b.a.ba, nous rappelle le Brisker Rav, tient à ces deux T : Tehilim und Treren. Deux T qui renvoient, de manière plus large à deux P : Prier et Pleurer. Ou comme l’écrit l’auteur du Michna Béroura (47, 10) :
Les prières du père et de la mère devraient être constamment dans leurs bouches. [Ils devraient prier] pour que leurs enfants étudient la Torah, pour qu’ils deviennent des tsadikim et qu’ils aient de bons traits de caractère. Ils devraient se concentrer particulièrement durant la bénédiction d’« Ahava Rabba », et dans la « Birkat Hatorah » au moment où ils disent : « Puissions-nous tous et nos descendants connaître Ton nom et étudier Ta Torah » ainsi que pendant « Ouva Létsion » au moment où ils disent : « Afin que nous ne nous donnions pas une peine stérile et n’enfantions pas dans la confusion ».
Et sil est un moment où ce devoir de prière est particulièrement recommandé, c’est la veille de Roch Hodech Sivan qui, cette année, tombe le jeudi 25 mai.
Le moment ou jamais pour prier
Et pour cause, dans son Séfer Chéné Louhot Haberith, Rabbi Yéchayahou Horowitz (XVIIèmesiècle) écrit :
Il est important de prier pour avoir une lignée de descendants intègres dont les besoins seront comblés par l’Éternel qui les aidera, notamment, à trouver un conjoint approprié. Mon cœur me dit que le moment propice à cette prière est Roch Hodech Sivan, le mois où la Torah a été donnée et où nous avons reçu le nom d « enfants de l’Éternel, notre Dieu ».
Et c’est sans doute parce que « les paroles qui sortent du cœur pénètrent dans le cœur d’autrui », que la prière formulée par le saint homme — tout comme la coutume de la réciter à la veille du 1erSivan — s’est imposée à l’unanimité dans toutes les communautés juives du monde entier.
Là où il y a des Hommes
Arrêtons-nous un instant sur la dernière phrase de cette introduction et tentons d’en percer la profondeur. À la réflexion, pourquoi l’auteur du Chela Hakadoch a-t-il jugé bon d’ajouter que le mois de Sivan est celui qui a fait de nous les enfants de Hachem ? N’aurait-il pas été suffisant décrire que ce mois qui marque le don de la Torah est propice à la prière pour avoir des enfants qui suivront la voie de la Torah ? La réponse est à chercher du côté du signe zodiacal correspondant au mois de Sivan. Le Séfer Hayétsira (chap. 5, section 9) nous révèle à ce sujet :
« Le Tout-Puissant couronna la lettre zaïn en marchant, lui attacha une couronne et forma avec eux le mazal des jumeaux dans l’espace et le mois de Sivan dans le temps. »
Les sages du Midrach remarquent que parmi l’ensemble des mazalot associées aux douze mois de l’année, celui du mois de Sivan est le seul et unique qui correspond à un être humain. Ou plus exactement à deux êtres humains : des jumeaux. Les onze autres signes zodiacaux appartiennent soit au monde animal — l’agneau pour Nissan, les poissons pour Adar ou le lion pour Av, soit au monde inerte — la balance pour Tichri ou le seau pour Chevat (Otsar Hamidrachim, p.486) Et c’est précisément la raison pour laquelle le mois de Sivan a été choisi pour être celui qui accueillerait le don de la Torah.
Le Saint béni soit-Il na pas donné la Torah en Nissan ou en Iyar parce que le mazal de Nissan est un agneau et celui de Iyar est un taureau. Aucun d’entre eux nest digne de louange particulière. Il a donc sélectionné Sivan pour cet événement parce que le mazal de Sivan est les jumeaux, qui sont des êtres humains, et qu’une personne est dotée dune bouche pour parler, des mains pour applaudir, et des pieds pour danser.
Parmi les innombrables créatures qui peuplent la planète bleue, l’homme est le seul et unique être doué dune conscience et doté d’un libre-arbitre. Et sil choisit de les mettre à profit de la connaissance et de la pratique de la Torah, il mérite alors le titre suprême d’Adam, qui le distingue du reste de la créature. Si les animaux ont un bec tandis que lui a une bouche, c’est parce qu’il peut l’employer pour parler du divin. Si les animaux ont des pattes tandis que lui a des mains et des pieds, c’est parce qu’il peut les sublimer en applaudissant la grandeur divine et en dansant à la gloire de Dieu.(Pessikta dérav Kahana, section 12)
Des mains pour applaudir, des pieds pour danser
Placé sous le signe de l’Homme, avec un h qui a bien mérité sa majuscule, le mois de Sivan est donc particulièrement propice à l’épanouissement spirituel, à la consécration de tous nos membres, de tous nos atouts et de toutes nos qualités. Et parce que notre rôle de parent consiste principalement à aider notre enfant à découvrir le potentiel qui se cache en lui pour ensuite l’encourager à le dédier au service du Maître du monde, nous saisissons à pleines mains l’opportunité offerte par le mois de Sivan. Et déjà quelques heures avant qu’il ne débute, nous mettons toutes les chances de notre côté en récitant la prière du Chela Hakadoch. Et en suppliant Hachem de nous accorder « des descendants purs et intègres chez qui on ne trouvera jamais ni de failles ni rien de répréhensible, mais uniquement la paix, la vérité, le bien et la droiture aux yeux de Dieu et aux yeux des hommes ».
Sources : The Wisdom in the Hebrew Months, par Rav Tsvi Ryzman ; With Hearts Full of Love par Rav Mattityaou Salomon