A 23 heures, le 28 février 1953 – samedi soir 13 Adar, veille de Pourim – Staline monte dans sa limousine pour se rendre à sa datcha, près de Moscou. Il sort dune réunion avec les 25 membres du Præsidium du Kremlin. Il vientde les informer de la suite qu’il entend donner au « complot des blouses blanches », une machination visant à déporter en Sibérie un maximum de juifs, dont de nombreux médecins, intellectuels et cadres du Parti communiste. Une demi-heure plus tard, il s’enferme dans l’une des chambres blindées de sa datcha et se met au lit. Pendant toute la journée qui suit, dimanche 1er mars – 14 adar, jour de Pourim – Staline ne se manifeste pas. Il ne commande aucun repas, contrairement à son habitude. Inquiet, l’un de ses gardes du corps force la porte et trouve Staline tout habillé (son pantalon de pyjama trempé d’urine), allongé sur le tapis, inconscient, frappé par une attaque cérébrale. Il mourra quelques jours plus tard, le 5 mars, sans avoir repris connaissance. Tels sont les faits.
Mais pendant ce temps-là, presque au même moment à New York, le soir du 28 février 1953 – samedi soir 13 Adar 5713, veille de Pourim – le Rabbi de Loubavitch anime, comme à son habitude, un Farbrengen – troisième repas de Chabbat – en compagnie de ses ‘hassidim. Le Rav Yoël Kahn, qui y participa, raconte : « Pendant ce Farbrengen, il est survenu quelque chose de tout à fait exceptionnel : contrairement à son habitude, le Rabbi a prononcé un second Maamar, dans lequel il raconta : « Lorsque le Tsar de Russie fut renversé, des élections furent organisées et les ‘Hassidim reçurent du Rabbi Rachab linstruction d’y participer. Un ‘hassid, peu au fait de ce qui se passait dans le pays, s’en alla au bureau de vote. Il ne savait pas trop ce qu’il fallait faire, ni même pour qui voter, mais il y rencontra quelques ‘hassidim qui lui expliquèrent comment procéder. Après avoir fait son devoir, il vit un groupe de gens qui criaient « Hourra ! » Il s’est alors joint à eux et a crié avec eux « Hou Ra ! Hou Ra ! Hou Ra ! » – littéralement, en hébreu “Il est mauvais, il est le Mal “! Aussitôt, tous les ‘Hassidim présents au Farbrengen du Rabbi se levèrent et crièrent avec lui « Hou Ra ! Hou Ra ! Hou Ra ! » Après le Farbrengen, les Hassidim se rassemblèrent pour évoquer l’histoire étrange que le Rabbi avait raconté. Certains supputèrent que cela pouvait avoir un rapport avec un évènement important qui se déroulait en Russie. Quelque temps plus tard, tous comprirent quand on apprit que Staline, le tyran antisémite, avait eu une embolie cérébrale cette même nuit. Il est mort quelques jours plus tard, le 5 mars 1953… » Coïncidence ou pas, la disparition de Staline durant les journées de Pourim sauva les juifs russes d’un plan démoniaque visant à les déporter…
Un autre miracle survenu à Pourim concerne la communauté des ‘Hassidim de la ville de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie. La scène se passe en 1920, soit trois ans après la Révolution doctobre, qui porta les bolcheviques au pouvoir. Aussitôt, les nouveaux maîtres entreprirent de grandes campagnes pour laïciser tout le pays. L’hébreu fut déclaré « langue contre-révolutionnaire » et de nombreuses synagogues furent fermées. Lors du mois dAdar 5680 (1920), en dépit des pressions de sa famille, le Rabbi Rachab – Rabbi Chalom Dov Ber Schneersohn – réunit dans sa maison à Rostov plusieurs dizaines de ses Hassidim pour le repas de Pourim. L’un des participants raconte : « Nul ne devait parler de cette réunion, car les bolcheviques avaient strictement interdit toute forme de réunion, et une assemblée religieuse était tout particulièrement dangereuse. De plus, la présence de plusieurs riches personnes qui risquait de provoquer une suspicion encore plus grande. Le Rabbi semblait indifférent au danger. Il prit une somme d’argent de sa poche, appela l’un des ‘Hassidim et lui demanda d’apporter de la liqueur pour que tous puissent se réjouir et faire leHaïm comme il convient de le faire lorsqu’on célèbre Pourim. Puis il leur dit de chanter et commença lui-même à chanter. La maison était très exposée et les voix pouvaient être entendues à l’extérieur. Craignant larrivée des membres de la « Yevsektsya » (la section juive du parti communiste), le fils du Rabbi – et plus tard son successeur – Rabbi Yossef Itshak – crut bon dalerter son père, mais celui-ci lui dit : “Ne crains rien, on ne nous fera aucun mal !“L’expression du Rabbi était très émouvante : c’est comme s’il était dans un monde plus élevé. Soudain il y eut une grande agitation dans la maison, car on apprit qu’une fouille générale avait été entreprise en ville cette nuit-là. Tous ceux qui étaient présents à la maison du Rabbi furent très embarrassés, ne sachant comment agir. Mais le Rabbi ne permit aucune interruption dans l’atmosphère de fête, ne fût-ce que pour un instant. Quand ils entrèrent dans la maison, l’ambiance était survoltée : les chants des ‘Hassidim emplissaient la pièce, sur les tables les bouteilles de liqueur voisinaient avec l’argent des contributions faites pour la Yéchiva. Le Rabbi déclara : “En cet instant, dit-il, je ne les crains pas du tout.“ Lorsque les hommes de la Yevsektsya s’approchèrent du Rabbi, celui-ci ne les regarda même pas. Et il commença à prononcer le Maamar Réchit Goyim Amalek –Amalek est la première des nations, mais sa fin sera une destruction totale.»Cest ainsi que la communauté de Rostov-sur-le-Don vécut le miracle de Pourim, dans la Russie communiste de 1920. DAVID JORTNER