Les services des Archives israéliennes viennent de déclassifier 200 000 documents relatifs à la disparition de nombreux enfants yéménites lors des premières années de l’État d’Israël. Réagissant à ce développement initié par son gouvernement, Binyamin Nétanyaou a déclaré : « Nous voulons aujourd’hui corriger une injustice historique. Pendant près de 60 ans, de nombreux parents ont été tenus dans l’ignorance de ce qui était advenu à leurs enfants. » Le ministre de la Coopération régionale Tza’khi Hanegbi, responsable de l’exécution de ce projet, a qualifié cette décision « d’importante et de courageuse. Désormais les familles pourront savoir ce qui est arrivé à leurs enfants ». Ces documents, qui ne devaient être révélés qu’en 2031, sont maintenant accessibles sur le site des Archives (http://www.archives.gov.il/co). Depuis les années 1950, plus d’un millier de familles – pour la plupart originaires du Yémen ont affirmé que leurs enfants avaient été systématiquement kidnappés dans les hôpitaux israéliens pour les faire adopter par des couples ne pouvant avoir d’enfants. Toutes ces plaintes ont été rejetées par les autorités. Au cours des décennies précédentes, trois commissions d’enquête ont œuvré pour faire la lumière sur ce dossier douloureux . Dans l’immense majorité des cas, elles ont conclus que la plupart de ces enfants étaient décédés à l’hôpital et qu’ils avaient été enterrés sans que leurs familles soient présentes ou informées. Mais ces affirmations ont toujours été mises en doute par les familles, soit parce que les certificats de décès contenaient de multiples erreurs, ou encore parce que l’emplacement des tombes n’était pas précisé. Parfois, ces enfants présumés morts ont même reçu des lettres d’incorporation à l’Armée, 18 ans après leur disparition. Dans certains cas, des tests génétiques ont pu démontrer que des enfants adoptés étaient d’origine yéménite. « On n’en est qu’au début… » Yigal Yossef, ancien maire de Roch Hayin et représentant de plusieurs familles yéménites, a déclaré qu’il cherchait toujours à savoir ce que sa sœur était devenue : « C’était un bébé à l’époque. Elle a disparu et mes parents reçurent un certificat de décès. Je suis allé au ministère de l’Intérieur il y a deux semaines pour vérifier et il semble bien que ma sœur soit toujours vivante. Mais l’adresse qui figure sur le document ne correspond à rien. Je ne sais pas qui croire. » La députée Nurit Koren (Likoud) qui le 21 juin dernier, présida à la Knesset, une séance spéciale consacrée à l’affaire des enfants yéménites – et dont l’un des cousins a disparu – a affirmé que l’on n’était qu’au « début du dévoilement de la vérité ». Pour l’heure, si les informations disponibles concernent les recherches effectuées par le gouvernement suite aux plaintes des parents, certaines ne sont pas en accès libre du fait qu’elles contiennent les noms de famille ayant adopté des enfants. Mais ceux qui s’estiment concernés pourront les consulter. Le député religieux Uri Maklev, qui a présidé la Commission des Sciences de la Knesset, propose de constituer une base de données génétiques, afin de « permettre aux parents yéménites de retrouver leurs enfants et leurs descendants ».
Une infirmière témoigne Hélène Z., 83 ans, une juive allemande qui fit son alya dans les années 30, était alors étudiante infirmière à l’hôpital Tel Hachomer. Aujourd’hui, 65 ans après les faits, elle tient à témoigner (tout en préservant son anonymat). Envoyée au début des années 50 dans un camp de nouveaux immigrants à Roch Hayin, elle devait avec d’autres infirmières rapporter à leurs parents des enfants yéménites qui avaient été soignés à l’hôpital : « On travaillait dans l’urgence, dans le désordre. De nombreux enfants en bas âge étaient malades de déshydratation, de tuberculose, de la jaunisse. Quand un enfant était envoyé à l’hôpital, ses parents n’y étaient pas admis. Parfois, ils étaient amenés par quelqu’un d’autre. Une fois que les enfants étaient guéris, on nous donnait un camion et nous retournions au camp. On avait un haut-parleur et on appelait les parents pour qu’ils viennent rechercher leurs enfants. Le problème, c’est que certains parents ne reconnaissaient plus leurs enfants, qui étaient restés deux ou trois mois à l’hôpital. En plus, l’enregistrement de leurs noms à leur arrivée avait été très sommaire. De nombreuses familles portaient le même nom. Personne n’avait de carte d’identité. J’étais jeune à l’époque, mais je peux certifier qu’on a fait tout notre possible pour rendre les enfants à leurs parents.» D’autres témoignages, en provenance d’ambulanciers qui rapportèrent ces enfants dans les camps où étaient rassemblés les nouveaux immigrants, viennent confirmer ce témoignage. D.J