Haguesher : Quel est le rôle du Toèn Rabbani ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : Le métier du Toèn Rabbani revêt une grande importance et il s’est malheureusement imposé de nos jours comme une nécessité. En effet, lorsqu’un couple envisage de divorcer, il doit se présenter au tribunal rabbinique pour traiter sa demande de Guett et trancher s’il y a lieu d’entreprendre la procédure ou s’il faut l’en empêcher. Or, pour réclamer un Guett ou au contraire, pour tenter de freiner cette procédure, il est nécessaire de répondre à certains critères halakhiques. Celui qui voudrait entreprendre une procédure de divorce sans connaître les lois juives qui s’y réfèrent risque de commettre des erreurs qui s’avèrent être parfois irréparables. C’est là qu’intervient le rôle du Toèn Rabbani qui va prouver et justifier la raison d’être du Guett si c’est le cas ou l’inverse, lorsqu’il n’y a pas de motif valable. Cependant, le rôle du Toèn Rabbani ne se limite pas à l’attribution du Guett mais couvre aussi d’autres sujets qui en découlent dont la pension alimentaire, la garde des enfants, le partage des biens… Ces problématiques doivent également être traitées en conformité avec la Halakha qui a été soigneusement étudiée par le Toèn Rabbani au point de bien maîtriser ces domaines et d’avoir obtenu son diplôme et son permis d’exercer. Le métier du Toèn Rabbanim exige une grande maîtrise des sujets de Halakha ayant trait aux sujets évoqués ci-dessus mais aussi ceux qui concernent le tribunal rabbinique. En outre, le Toèn Rabbani peut aussi servir de représentant auprès d’un tribunal rabbinique privé pour des litiges financiers lorsque les partis ont conclu un acte d’arbitrage dans lequel ils acceptent toute décision qui serait émise par ce corps rabbinique.
Haguesher : A vrai dire, l’avocat aussi peut intervenir dans de telles situations, en quoi consiste donc la nouveauté du Toèn Rabbani ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : En effet, l’avocat aussi pourrait se charger de traiter tels problèmes. Néanmoins, le Toèn Rabbani présente une caractéristique particulière qu’on ne trouve pas chez l’avocat. Comme nous le savons, le tribunal rabbinique tranche selon la loi juive et toutes les discussions et les échanges se renvoient à des références et à des notions qui s’appuient sur la Halakha et le langage du Talmud. Ainsi, le Toèn Rabbani qui maîtrise les lois liées aux sujets débattus au tribunal rabbinique a un pouvoir considérable pour exposer les arguments de celui qu’il représente, dans l’esprit de la Halakha. Par ailleurs, dans la majeure partie des cas, le Toèn Rabbani est issu du monde des Yéchivot si bien que le langage talmudique ne lui est pas étranger et il le maîtrise comme sa langue maternelle. C’est la raison pour laquelle il est fréquent que des avocats fassent appel aux services de Toané Rabbanim pour rédiger des arguments ou des répliques lorsqu’il s’agit de sujets halakhiques. En outre, précisons que l’avocat peut intervenir au Tribunal, ce qui n’est pas le cas du Toèn Rabbani qui lui, est seulement reconnu par le tribunal rabbinique.
Haguesher : Pourquoi faudrait-il se présenter à un tribunal rabbinique si l’on peut aller au tribunal civil ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : L’attribution d’un guett doit forcément se faire via un tribunal rabbinique, telle le veut la loi de l’Etat et bien entendu, la Halakha. L’on ne peut donc concevoir d’entreprendre de procédure de divorce auprès d’une autorité qui ne soit pas experte en Halakha dans ce domaine. De fait, seul un tribunal rabbinique peut se charger du Guett. En revanche, en ce qui concerne les autres sujets tels que les biens, la garde des enfants ou autres, ils pourraient également être soumis au tribunal. Si l’on veut régler toutes les affaires familiales auprès du tribunal rabbinique, il faudrait compiler toutes les doléances annexes et les joindre au dossier du Guett. Il est vivement conseillé de régler toutes les questions auprès d’une seule instance car lorsque les conjoints ont recours à deux instances juridiques différentes il en résulte beaucoup de confusion, de tracas, de déception et de lourdes pertes en découlent. Par ailleurs, de nombreux Juifs, bien qu’ils ne soient pas particulièrement scrupuleux dans le respect des Mitsvot, préfèrent que leurs affaires familiales soient réglées selon les principes de la Torah. Tout comme ils se sont mariés dans le respect de la Halakha, ils souhaitent également divorcer selon la Halakha – pas seulement pour le Guett lui-même qui doit obligatoirement passer par le tribunal rabbinique mais aussi pour que les conséquences du divorce soient gérées conformément à la halakha.
Haguesher : Est-ce vrai que les tribunaux rabbiniques prennent plutôt la défense de l’homme et les tribunaux civils, celle de la femme ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : Il s’agit d’une idée préconçue dépourvue de sens. En ce qui concerne les tribunaux, j’ignore ce qui se passe là-bas puisque, comme nous l’avons dit, le Toèn Rabbani ne peut intervenir auprès de cette instance. En revanche, pour les tribunaux rabbiniques, il faut savoir que les Dayanim sont des Talmidé ‘Hakhamim qui maîtrisent bien la Halakha et qui sont dotés d’un esprit particulièrement aiguisé. Ils ont réussi des examens de haut niveau avant de pouvoir exercer leur fonction de Dayan. Ce sont des hommes qui doivent se soumettent exclusivement à la Halakha, avec objectivité et intégrité, sans favoritisme pour un parti ou un autre. Toutes les Takanot de ‘Hazal ont été établies pour augmenter la paix et trouver le bien en toutes circonstances.
Haguesher : Pourriez-vous citer des exemples pour lesquels il est nécessaire de s’adresser à un Toèn Rabbani. De quelle manière cela aide et/ou accélère la procédure qui aboutit à une solution ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : Certains se considèrent courageux et se présentent au Beth-Din sans avoir recours à un représentant (Toèn Rabbani) mais la majorité d’entre eux essuient des échecs. Tout comme on ne prendrait pas le risque de réparer soi-même un système électrique défaillant et qu’on fera appel à un électricien expérimenté pour nous dépanner, l’on s’adressera à un Toèn Rabbani en cas de besoin. Il y a certains arguments qui donnent droit au plaignant de réclamer le Guett. Parfois, les deux conjoints souhaitent divorcer pour un certain motif mais ce dernier n’est pas considéré comme étant valable d’un point de vue halakhique pour pouvoir réclamer le Guett. Toutefois, après qu’un Toèn Rabbani se soit entretenu avec les conjoints, il s’avère qu’ils avaient une raison supplémentaire qui elle, justifiait leur démarche de divorce mais, ignorant la Halakha, ils n’avaient pas pensé la mettre en avant. De même, certains pensent que la Ketouba est un objet décoratif et ne réalisent pas qu’elle leur sera réclamée. Dans de nombreuses situations, l’un des partis présente un argument valable mais n’a pas les moyens d’en fournir des preuves. Donc, s’il se présente seul, il n’aura pas de preuves qui confirmeront ses dires. Mais, s’il est accompagné d’un Toèn Rabbani, ce dernier pourrait l’aider, par différents moyens, à trouver des preuves, voire même, à conduire le parti adverse à apporter son témoignage.
Haguesher : Le Toèn Rabbani est-il officiellement reconnu ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : Absolument. Le permis d’exercer du Toèn rabbani figure dans les réformes datant de 2001 ainsi que dans les clauses instituées par la Chambre des avocats en 2016, où dans le premier paragraphe, il est indiqué que celui qui n’est pas avocat ne pourrait plaider la cause d’un parti devant un tribunal rabbinique sauf s’il a reçu le permis d’exercer en tant que Toèn Rabbani délivré par le président du grand tribunal rabbinique.
Haguesher : Quelles sont les conditions requises pour pouvoir être admis à suivre une formation de Toèn Rabbani ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : Le 2ème paragraphe des clauses citées plus haut nous citent 3 conditions. 1. Il faut être résident israélien. 2. Il faut avoir étudier au minimum pendant 4 années dans une Yéchiva Guedola après l’âge de 18 ans ou bien avoir étudié 3 années dans une autre institution en ayant reçu un certificat de fin de cycle d’étude, et ce, à condition que le grand tribunal rabbinique reconnaisse cet établissement comme étant adéquat pour recevoir le permis d’exercer en tant que Toèn Rabbani. 3. Il faut avoir réussi les examens élaborés par un comité désigné par le président du grand tribunal rabbinique et qui inclut également un examen lié à la pratique de ce métier. Aussi, il faut que le candidat prouve que son profil et son mode de vie sont en phase avec ce métier.
Haguesher : Est-ce qu’il serait envisageable qu’un Toèn Rabbani intervienne dans le cas d’un litige qui aurait déjà été traité par un Tribunal civil ?
Rav Hadar Yéhouda Gabbay : Il y a un concept qui se nomme « Kana sam’hout » (a acquis l’autorité) qui considère que dans le cas où un dossier a été traité au tribunal, c’est ce dernier qui a la charge de trancher sur ce sujet. De fait, même le tribunal rabbinique lui-même ne pourrait s’ingérer donc, à plus forte raison que le Toèn Rabbani ne pourrait intervenir. De là, la notion de « Mérouts hassamkhouyot (course aux autorités) » a découlé, c’est-à-dire que dès lors que l’un des deux partis s’est tourné vers une certaine instance, c’est celle-ci qui se chargera du litige en question. Ainsi, prenons par exemple le cas du partage des biens, cette question pourrait être soumise aussi bien à un tribunal rabbinique qu’à un tribunal civil. Dans le cas où la femme a réclamé son guett auprès du tribunal rabbinique et que parallèlement, le mari aurait eu recours au tribunal civil pour réclamer le partage des biens, le tribunal rabbinique ne pourrait s’immiscer dans ce sujet. Néanmoins, dans le cas où la femme aurait associé à sa demande de guett, la réclamation du partage des biens, ce sera le tribunal rabbinique qui tranchera à ce sujet. Il y a lieu de préciser qu’il arrive souvent que la plainte déposée au tribunal pour le partage des biens est défaillante, que ce soit d’un point de vue technique ou pour une raison de fond. Dans ce cas-là, le tribunal ne sera pas à même de trancher et le Toèn Rabbani pourrait alors intervenir pour régler le litige auprès d’un tribunal rabbinique, à condition de prouver que le tribunal rabbinique a acquis « l’autorité » dans ce cas précis.
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