Rav Y.A. est un érudit qui enseigne dans une yéchiva connue. Doté aussi d’une grande richesse, il distribue discrètement de grosses sommes à la tsédaka. Il a tenu à me raconter comment il a réussi dans la vie afin que d’autres en prennent une leçon. « Les gens pensent que c’est grâce à mon intelligence que j’occupe un poste dans une yechiva, que je suis riche et que je réussis, me dit-il. En vérité, mon intelligence a presque causé ma perte. J’avais un frère âgé d’un an de plus que moi, qu’on considérait moins intelligent que moi. Nous nous disputions souvent : il était plus grand et moi plus intelligent et plus brillant dans l’étude. Je l’appelais « l’aîné imbécile » et lui me rendait la pareille. Un jour, il y eut un grand concours au ‘hédère. Grâce à mon intelligence, sans faire le moindre effort, j’ai reçu une très bonne note. Mon frère, par contre, a beaucoup révisé, mais a obtenu un résultat moyen. Quand nous sommes rentrés à la maison, j’ai tout de suite montré mon examen. Ma mère m’a dit : « Ce n’est pas suffisant ; cela n’a rien de spécial ». Quant à mon frère, elle l’a félicité pour ses efforts. J’étais furieux, mais ma mère m’a dit calmement : « La note porte sur le résultat, mais ce qu’il faut admirer, c’est l’effort. Toi, tu n’as pas fait d’efforts et ton frère en a faits, et il sait donc plus que toi ». J’ai eu du mal à accepter ses paroles et j’ai gardé cette cicatrice dans mon cœur pendant des dizaines d’années. Malheureusement, c’est seulement après sa mort qu’en observant rétrospectivement ma réussite, j’ai compris qu’en fait, tout venait d’elle. Ces mots qui m’ont fait mal ce jour-là et pendant toutes les années où elle m’a élevé, m’ont fait travailler d’arrache-pied sans me suffire des réussites passagères. Ils m’ont fait aspirer à faire mieux sans reculer devant les échecs. » Le secret de la réussite, c’est être courageux et prendre des risques calculés. La peur de l’échec empêche l’homme de prendre des risques et de réussir. Dans nos articles précédents, nous avons recommandé de ne pas trop complimenter les enfants afin qu’ils ne deviennent pas dépendants de cela. De plus, il est bon qu’ils s’habituent à l’idée qu’il faut travailler pour obtenir un compliment. C’est pourquoi un compliment doit porter sur les efforts et le travail, et pas sur les capacités. Des compliments sur les efforts inculqueront à l’enfant une façon de penser « mobile » et pas « figée ». Dans cet article, nous verrons qu’un enfant ou un adulte qui a peur de l’échec saisit le monde avec une perception figée et ne comprend pas que la recette pour réussir, c’est le travail et la conviction qu’il est possible de changer, de s’améliorer et de progresser. Nous voulons tous que nos enfants réussissent. Nous croyons que la réussite leur donnera le bonheur. Mais en vérité, s’il y a bien quelque chose qui les aidera dans la vie, ce sont les échecs et la bonne façon d’y réagir, car personne ne réussit continuellement. Un adolescent ou un adulte qui craint d’échouer ose moins essayer, reste dans son cadre confortable, se fixe des buts moins élevés. Il progresse donc moins, et accomplit moins son rôle. Une mère m’a raconté que quand son fils voit qu’il va perdre le jeu, il renverse la table. Ce moment-là peut être constructif pour apprendre à l’enfant à faire face aux échecs et à lui montrer combien c’est important dans la vie. Le message, c’est que nous ne sommes jamais obligés d’avoir le dessus sur les autres dans un jeu ou un concours. Nous devons avoir le dessus sur nous-mêmes, progresser pas à pas en direction de nos aspirations et de nos rêves. Il est bon de raconter à vos enfants vos luttes dans la vie afin qu’ils apprennent que l’échec est en fait un processus sur la route vers la réussite. On raconte que Thomas Edison a échoué mille fois jusqu’à réussir la mille et unième
fois à inventer l’ampoule. Ce n’est pas exact ! Il n’a pas échoué ! Edison a dit : « Chaque essai manqué était un pas de plus en avant. J’ai trouvé mille chemins qui ne fonctionnaient pas ! » J’ai trop souvent rencontré des jeunes qui m’ont dit, à propos de l’étude de la Guemara : « Ce n’est pas pour moi, j’ai vu que je ne réussissais pas là-dedans ». Ces garçons espéraient réussir dans l’étude dès la première page. Je leur raconte qu’un Roch Yechiva m’a confié que jusqu’à ce jour, il ne comprenait parfois pas la Guemara, et devait faire des efforts pour la comprendre. Ils n’en croient pas leurs oreilles ! Demandez à vos enfants qui se trouvent devant un but à atteindre : à votre avis, combien de fois devrez-vous essayer avant de réussir ? Cela éliminera leur besoin de réussir dès le début et leur apprendra qu’essayer, travailler, fait partie de la vie. La réussite, c’est un parcours et pas une destination. Pendant le parcours, il y a des montées et des descentes desquelles on apprend aussi. Réussir, c’est continuer à se développer toute la vie. La vie, c’est comme un jeu. Il faut s’entraîner et traverser des étapes. Plus on traverse d’étapes, plus la difficulté grandit sur la voie de la victoire. La réussite face aux défis est un plaisir spirituel, le vrai plaisir de la vie.