L’incroyable crise politique que l’Etat d’Israël traverse a des répercussions certaines sur la situation géopolitique au Proche-Orient. Nous avons tenté de mesurer son impact chez les Palestiniens.
Sans surprise, l’inculpation de Binyamin Nétanyaou par la Justice israélienne, a été accueillie avec une pleine satisfaction à la direction de l’Autorité Palestinienne à Ramallah. Pour beaucoup de responsables palestiniens, Mahmoud Abbas en tête, Nétanyaou est considéré depuis 11 ans, et certains diront depuis près d’un quart de siècle, comme le principal obstacle à la création d’un Etat palestinien indépendant en Cisjordanie, ou plus précisément en Judée et Samarie. Pour Abbas, l’ère Nétanyaou a été un véritable calvaire sans fin. Comme l’a admis un observateur palestinien, très au fait des pourparlers israélo-palestiniens (lorsqu’il y en avait) : « Avant Nétanyaou, on parlait de deux Etats pour deux peuples, de reconnaissance mutuelle. Mais Bibi a rajouté une condition en exigeant la reconnaissance par les Palestiniens du caractère juif de l’Etat d’Israël. Une condition inacceptable pour Mahmoud Abbas, qui a provoqué le blocage des négociations », affirme cet observateur palestinien. Assaf Gabor dans le Makor Rishon explique que, de manière paradoxale, les dirigeants
palestiniens reconnaissent devoir une fière chandelle à l’homme politique israélien qu’ils détestent le plus : Avigdor Liberman. Ils sont en effet persuadés que c’est en refusant de rejoindre au lendemain des élections d’avril un gouvernement conduit par Nétanyaou que Liberman a provoqué le début de la chute politique du Premier ministre. Mais ce n’est pas tout : pour les Palestiniens, la crise politique en Israël est du pain béni parce qu’elle a relégué aux calandres grecs le fameux deal du siècle du président Trump dont personne à Ramallah ne voulait entendre parler. Sans l’imbroglio actuel, ce plan de paix américain, apparemment très favorable à Israël, aurait déjà été officiellement présenté par la Maison Blanche, et il aurait certainement fait passer les Palestiniens pour des réfractaires à un règlement du conflit. De ce point de vue, les Palestiniens qui ont tendance parfois à aller vite en besogne, espèrent ouvertement que le départ prochain de Binyamin Nétanyaou sera le prélude à un autre départ tout aussi important pour eux, celui de Donald Trump de la Maison Blanche après les élections de novembre prochain.
En effet, les Palestiniens n’ont pas digéré les changements « dramatiques » instaurés par le tandem Trump-Nétanyaou au cours des 4 dernières années : d’abord, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël, ensuite le gel des allocations versées par l’Administration américaine à l’Autorité Palestinienne après le refus formel d’Abbas de cesser les virements aux familles des terroristes, et enfin, il y a un mois, l’incroyable décision américaine de cesser de considérer les implantations comme des illégales, et la Judée-Samarie comme des territoires occupés. Pour Abbas, cette dernière décision est même plus catastrophique que les précédentes car elle risque de saper la légitimité des Palestiniens à se doter dans ces régions d’un Etat indépendant. Cependant, il serait erroné de penser que l’Autorité Palestinienne attend avec une impatience débordante, l’arrivée de Benny Gantz à la présidence du Conseil à Jérusalem. Du point de vue d’Abbas, Nétanyaou et Gantz c’est bonnet-blanc et blanc-bonnet. Et même s’il n’y a pas avec le leader de Bleu-Blanc, le long contentieux qui existe avec Nétanyaou, on n’oublie pas côté palestinien que dans le cockpit de Bleu-Blanc siègent trois anciens chefs d’état-major qui ont une approche sécuritaire solide et qui ne seront pas ouverts automatiquement à des concessions d’envergure. Voilà donc pourquoi, si l’on ne s’apitoie certainement pas sur le sort de Binyamin Nétanyaou, on ne formule guère à Ramallah de grands espoirs de voir les choses changer à court ou moyen terme…
Daniel Haïk