Malgré leur apparente réconciliation de ces derniers jours pour « la poursuite de la lutte contre l’ennemi sioniste », les deux groupes terroristes n’ont pas les mêmes objectifs stratégiques.
Depuis l’Opération Bordure protectrice de l’été 2014, le Hamas et le Djihad islamique divergent profondément au plan de leur stratégie respective. Alors que le Hamas a recouru régulièrement depuis 5 ans à la violence contre Israël à l’occasion d’une succession de rounds d’affrontements afin de faire pression sur l’Etat hébreu pour s’assurer de l’arrivée de l’argent qatari, le Djihad islamique – qui n’agit jamais sans les ordres de l’Iran – recherche en toute occasion à provoquer une escalade de la violence susceptible de déboucher sur une confrontation générale. Laquelle profiterait grandement à Téhéran dans la conjoncture régionale très tendue d’aujourd’hui…
Une structuration politique très différente
En fait, ces objectifs stratégiques divergents sont le reflet des structures politiques et donc organisationnelles très opposées. Appartenant à la grande confrérie régionale sunnite des Frères musulmans dont il est la section de Gaza, le Hamas est implanté dans de nombreux secteurs et segments de la population de la Bande. D’où le fait qu’il se voit obligé de toujours tenir compte du « premier cercle » de personnes constituant sa base politique et l’armature de son contrôle, à savoir les quelque 50 000 salariés de l’administration de Gaza. De plus c’est le Hamas qui a la mainmise sur la plupart des institutions éducatives, sur les organisations sociales et les groupes syndicaux locaux. A l’inverse, en tant que supplétif direct de l’Iran à Gaza, le Djihad islamique – qui entretient des relations logistiques, politiques et militaires très serrées avec Téhéran – n’a presqu’aucune base populaire, comme en attestent les scores dérisoires (allant de 2 % à 3 % des voix) qu’il recueille aux élections universitaires et dans les syndicats de Gaza. Une popularité défectueuse qui poussent pas mal de Gazaouïs à penser que de nombreux membres du Djihad islamique sont en fait des croyants chiites « clandestins » et non des sunnites, le courant ultra-majoritaire à Gaza. Autre exemple récent : après l’élimination d’Abou Ata, une centaine de personnes seulement ont assisté à son enterrement quelques heures, malgré le fait que le « Commandement conjoint des Factions palestiniennes » ait appelé à ses funérailles où les rares présents ne brandirent que quelques banderoles et drapeaux noirs…
Le jeu subtil du Hamas par rapport à l’Iran
Malgré toutes ces divergences, le Hamas ne souhaite pas mettre un terme lui même aux tirs de roquettes du Djihad islamique sur Israël ordonnés par Téhéran. Car en fait, ce califat du Hamas de Gaza a lui aussi besoin de l’Iran : lâché par la plupart des grands pays sunnites de la région (l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Jordanie), il doit encore compter sur le régime des mollahs pour ses approvisionnements en roquettes et en tant qu’important allié étatique. En effet, la chute du Grand califat de l’Etat islamique et la récente élimination par les Américains du leader de cette puissante organisation terroriste, Abou Akbar Bagdadi, ont bien montré que des groupes de ce genre ont bel et bien besoin du soutien d’Etats ralliés à leur cause pour survivre. Ce qui explique pourquoi, même s’il est encouragé par la Turquie islamiste d’Erdogan, le Hamas doit aussi ménager ses relations incontournables avec l’Iran… et donc tolérer les agissements – même dangereux pour lui – du Djihad islamique.
RICHARD DARMON