Le chofar est l’un des instruments de musique les plus anciens du monde et ses différentes utilisations sont déjà évoquées dans la Bible. Dans le Livre de Josué, lorsque Josué et son armée se trouvent aux portes de la ville de Jéricho, ils sonnent le chofar afin de faire tomber miraculeusement, les murailles de la ville. De nos jours, l’usage de cet instrument en est fait dans les synagogues, particulièrement lors des deux jours de la fête de Roch Hachana et peu avant la fin du jeûne de Kippour.
Il n’est pas simple de souffler dans un chofar. Beaucoup s’y essaient mais sortir un son pur de cet instrument est une prouesse que peu de gens parviennent à réussir, même les plus expérimentés. Tous les secrets du chofar résident dans la physique de l’instrument.
Le chofar le plus commun provient de la corne d’un animal casher, généralement un bouc, dont la moelle a été retirée. La partie large de la corne est creuse, mais la partie étroite est pleine. Afin de pouvoir faire sortir un son du chofar, les fabricants redressent la corne en la chauffant, ils la lissent à l’extérieur et font un trou dans la partie étroite pour y placer un embout. C’est ce trou qui permet au son de s’élever du chofar et rappelle un peu celui d’autres instruments à vents. Il existe une autre catégorie de chofar, plus long et ondulé, plus souvent utilisé par la communauté yéménite. Ce chofar provient d’un Koudou, sorte d’antilope, que l’on trouve dans certaines régions d’Afrique.
Le chofar étant un instrument à vent, afin de comprendre son fonctionnement, il faut comprendre la notion de physique qui est le fondement des instruments de musique en général. Prenons la guitare. Lorsque l’on gratte les cordes d’une guitare, la corde résonne dans la caisse de résonance et produit un son qui dépend, entre autre, de la longueur de la corde. Plus la corde est courte, plus le son est aigu. Lorsque l’on réduit la corde en appuyant dessus avec un doigt, on obtient un son plus aigu. Lorsque la corde vibre, il produit ce que l’on appelle une onde stationnaire, c’est à dire une onde bloquée des deux côtés. Dans le cas d’une guitare, l’onde a la longueur de la corde. Plus la corde, ou l’onde est longue, plus il lui prend de temps pour finir sa course. La fréquence, généralement mesurée en Hertz (Hz), décrit combien de cycles l’onde parcourt en une seconde. Une onde longue complète moins de cycles par seconde et sa fréquence est plus basse, elle produit un ton plus grave à nos oreilles. Comme la guitare, l’instrument à vent produit une onde stationnaire, mais ce n’est pas une corde qui produit l’onde, mais la vibration de l’air à l’intérieur de l’instrument. Certains utilisent une feuille sur une anche, comme pour le saxophone et la clarinette, et d’autres les lèvres qui font vibrer l’air comme dans la trompette, ou le trombone mais également le chofar.
Le son d’un instrument à vent dépend de sa longueur. Comme pour les cordes de la guitare, plus le tube de l’instrument la guitare, plus le tube de l’instrument est long, plus l’onde créée est longue, la fréquence basse et le son obtenu est plus grave. C’est pourquoi, lorsqu’un flûtiste ou un clarinettiste ferme avec ses doigts les trous de l’instrument, il prolonge le tube et produit ainsi des sons à fréquence plus basse.
Mais contrairement aux autres instruments de musique, la longueur du chofar ne varie pas beaucoup. C’est pourquoi le son qui en sort n’a qu’une seule fréquence. Plus le chofar est long, plus son son est grave. C’est pour cela que le chofar yéménite produit des sons plus graves que le chofar traditionnel. C’est aussi pour cela qu’il est si difficile de produire des sons. Pour y parvenir il faut faire vibrer l’air avec ses lèvres pour produire une onde de résonance exactement à la fréquence du chofar que l’on utilise. En plus de la longueur du chofar, l’incurvation joue sur le son que l’on peut produire. Les fabricants de chofar réduisent ainsi l’incurvation naturelle du chofar dans sa partie étroite. Le juste niveau d’incurvation varie d’un instrument à l’autre, c’est pourquoi le son diffère également. Certains membres de la communauté yéménite soufflent dans un chofar court qui n’a pas été redressé (contrairement au chofar de Koudou). Si l’on compare un chofar yéménite court à un chofar traditionnel qui a été redressé lors de sa fabrication, le chofar yéménite plus incurvé, produit des sons plus graves, mais pas toujours… En général, l’influence de l’incurvation sur l’instrument à vent est plus complexe, et dans certaines circonstances, elle peut produire des sons plus aigus. La plupart des chofars sont polis, et même parfois décorés avec des motifs en argent. Certaines communautés préfèrent souffler dans un chofar qui n’a subi aucun polissage. Même si celui-ci change légèrement l’aspect de l’instrument, il n’a aucune influence directe sur le son. Même pour les autres instruments à vents, il s’avère que le matériau utilisé n’influe pas directement sur les sons produits.
Toutefois, le matériau peut avoir une influence indirecte sur la qualité du son. Un fabricant qui produit une flûte en or va s’appliquer beaucoup plus que sur une flûte en bois. La finition de l’instrument sera donc plus appliquée et plus précise. Le matériau peut aussi avoir une influence sur le musicien et donc impacter sa façon de jouer. Malgré le fait qu’il n’est possible de produire qu’une seule fréquence à partir d’un chofar, un utilisateur expérimenté peut contrôler les vibrations grâce à ses lèvres et produire un peu plus de sons qu’un autre. Par un usage particulier, en jouant sur les ondes de résonance, on peut parvenir à un ou deux sons supplémentaires. Malgré les limites de cet instrument, le chofar peut être utilisé non seulement comme un instrument qui fait vibrer nos cœurs à Roch Hachana et à Kippour, mais simplement comme un instrument de musique. Amit Sofer, musicien spécialiste de la trompette et du chofar explique qu’il est possible de jouer du chofar : « La base de tout est que le chofar doit avoir un grand embout, comme une trompette, pour que son usage soit confortable. Alors, grâce à mes lèvres et avec mes mains, comme avec un trombone, j’obtiens un plus grand spectre de sons. » Sofer joue sur un chofar marocain, plus étroit, qui rappelle qu’à l’époque de l’inquisition, cette forme permettait de mieux les dissimuler. A Roch Hachana, un son suffit, il doit être découpé en un son long et continu, puis un son découpé en trois et un autre découpé en neuf respirations pour que nos cœurs soient ainsi prêts à accueillir la nouvelle année.