Puisque le phénomène Gantz commence à friser le ridicule, usons du ridicule pour le décrire : près d’un mois après le début de la campagne électorale, le candidat silencieux Benny Gantz a brusquement parlé… Et ceux qui ont eu l’immense privilège de découvrir le son de sa voix se sont empressés de tomber dans des conclusions « dramatiques » : « Benny Gantz est de Gauche… comme Lapid », ont lancé quelques militants Likoud visiblement traumatisés par cet événement hors du commun… ! Comment sont-ils parvenus à cette conclusion ? Tout simplement parce que l’ancien chef d’état-major a osé affirmer devant une délégation d’anciens officiers druzes, qu’il fallait amender la fameuse loi sur l’Etat Nation, dont on n’avait d’ailleurs pas parlé depuis longtemps, et veiller à ce qu’elle mentionne aussi les minorités. En moins de 50 secondes et deux phrases, Benny Gantz a réussi l’exploit de s’attirer les foudres de la quasi-totalité de la classe politique : à droite donc, mais aussi à gauche où l’on a affirmé que Gantz
aurait dû réclamer l’abolition de cette loi controversée et pas seulement son amendement. Comme si la classe politique avait été victime d’une brusque poussée de fièvre. Même Naftali Benett qui n’en est plus à une volte-face près, a critiqué cette exigence de Gantz en oubliant qu’il avait
lui-même émis le même type de critiques envers la loi, il y a six mois, à l’issue d’une rencontre avec d’anciens officiers druzes venus lui exprimer leur douleur ! Mais il n’y a pas que la classe politique ! Les médias se sont également emballés comme si le général Gantz avait récité par coeur les Dix Commandements ! Alors non, Benny Gantz n’est pas Moché Rabbénou, et ses paroles ne sont pas gravées sur les Tables de la Loi. Il a certes parlé.
Il a certes prouvé qu’il avait un avis sur certains problèmes. Mais il n’a pas encore présenté au peuple, la moindre ébauche de plateforme politique. Il n’a pas encore prononcé la moindre profession de foi, celle que des centaines de milliers d’Israéliens attendent avec impatience, ou plutôt avec
de moins en moins d’impatience. Car il semble que le petit jeu auquel le « candidat silencieux » se livre, semble avoir assez duré. On ne peut pas prétendre tracer une voie, guider un public, mobiliser un pays uniquement en conservant le silence depuis plusieurs semaines. Et le briser pour lancer à la volée deux ou trois phrases, s’apparente plus à du mépris qu’à l’expression d’un véritable dessein politique. Il n’y a que le Machia’h que le peuple juif a accepté d’attendre patiemment. Et jusqu’à preuve du contraire, Benny Gantz est certes un brillant général de Tsahal mais ce n’est pas le Sauveur du peuple juif. Et il est grand temps pour lui de décider s’il veut vraiment se lancer dans l’arène politique pour le meilleur et pour le pire, ou bien s’il entend continuer à manipuler indéfiniment, par ses silences, les Israéliens qui lui font confiance et ceux qui voudraient bien croire en lui. La parole est d’argent mais le silence est d’or, dit-on. Mais Benny Gantz devrait se méfier de ce proverbe car si le silence est d’or, l’ancien chef d’état-major risque bien en le prolongeant de nous endormir, ou plutôt de nous lasser. Daniel Haïk