
Il était le doyen des journalistes israéliens encore en activité : Noah Klieger s’est éteint jeudi dernier à Tel Aviv, deux jours à peine après avoir écrit l’éditorial du central du Yediot Aharonot qui marquait le 79e anniversaire de ce grand quotidien israélien qui fut sa seconde maison pendant plus de 60 ans de 1957 jusqu’à son dernier souffle. Né à Strasbourg en 1926, Noah Klieger a grandi également au Luxembourg et en Belgique dans une famille traditionaliste. Sa mère était une descendante directe de Rabbi Yonathan Aybechitz et son frère qui a étudié à la yéchiva de Gateshead et qui est devenu rav à Brighton était ‘harédi. Durant la guerre alors qu’il n’a que 15 ans, il participe à l’acheminement de Juifs de Belgique et de France vers la Suisse. En janvier 1943 il est déporté
à Auschwitz. Il y survivra en particulier grâce à son excellente condition physique qui lui permettra d’entrer dans l’équipe des boxeurs du camp. Il y rencontrera le jeune champion du monde des poids plume Young Peretz, un juif tunisien qui deviendra son ami avant de tomber sous les balles des nazis durant la marche de la Mort durant l’hiver. Après la guerre, Noah décide de monter en Israël. Il encadre des groupes de rescapés et les conduits vers Marseille. C’est ainsi qu’il deviendra à 21 ans membre de l’équipage de l’Exodus. En Israël il deviendra un célèbre journaliste sportif, et il couvrira également les grands procès de la Shoah comme le procès Eichmann et le procès Demanjouk. En dépit de son histoire difficile, Noah Kliger était un homme d’un optimisme débordant. Il était profondément imprégné de culture juive et déplorait que l’Etat d’Israël n’enseigne pas aux enfants juifs plus de yiddishkeit. Depuis la chute du rideau de fer, il était devenu l’un des témoins rescapés d’Auschwitz les plus célèbres et s’était
rendu des dizaines de fois dans le camp de la mort pour guider des groupes de jeunes et de moins jeunes. Il n’a jamais refusé de témoigner et a apporté son témoignage avec une sincérité et un talent qui interpelait ceux qui l’écoutaient. Par ailleurs, il n’a jamais caché son admiration pour le monde orthodoxe. On raconte qu’un jour lorsqu’un chalia’h ‘Habad, le rav Ander dont il était proche, est venu lui rendre visite au Yediot Aharonot, il a déclaré aux journalistes et rédacteurs présents : « Mes amis ne vous trompez pas : les ‘Harédim sont les véritables Juifs ! ». Il était l’ami intime du grand rabbin Israël Méïr Lau aux côtés duquel il participait à toutes les Marches de la Vie à Auschwitz. Plusieurs centaines de personnes l’ont conduit dimanche vers sa dernière demeure au cimetière de la mochava Kadima près de Natanya et le rav Lau très ému a prononcé une très belle oraison funèbre en rappelant sa détermination à vouloir témoigner de ce qu’il avait vécu. Noah Kliger était sans aucun doute, l’un des francophones les plus connus en Israël. Yéhi zikhro Baroukh. D. H.