Ils sont nonagénaires, ont connu l’enfer mais ont tenu à être là pour témoigner : la cérémonie traditionnelle en mémoire des déportés s’est tenue le 2 septembre à la grande synagogue parisienne. Joël Mergui a évoqué l’islamisme comme un habillage contemporain de la haine nazie.
« Je veux rendre hommage à ceux d’entre nous qui ont connu le pire. Rien ne les surprend… Leur témoignage a fait évoluer la société tout entière. Leur engagement s’est déployé au service de la vie, sans haine. Car nous, Juifs, avons la haine en horreur, n’en déplaise à nos ennemis, aux islamistes qui veulent anéantir Israël et sont les nazis de notre époque ». Joël Mergui a trouvé comme à l’accoutumée les mots justes lors de son allocution prononcée à la synagogue de la Victoire le 2 septembre, à l’occasion de la cérémonie traditionnelle en mémoire des déportés. Depuis son instauration après la guerre, elle se déroule invariablement le dimanche qui précède Roch Hachana. « Un événement unique » en diaspora, a rappelé le rav Michel Gugenheim, qui s’exprimait immédiatement après le numéro un du Consistoire. Le grand rabbin de Paris a souligné l’importance de ce moment choisi par le judaïsme français pour rendre hommage aux disparus de la Shoah, puisqu’en cette nouvelle année, « le livre des vivants et des morts est ouvert. Et chacun est jugé, y compris ceux qui sont déjà passés dans l’autre monde. Une justice infaillible qui se renouvelle éternellement ». Joël Mergui a insisté sur le nombre de plus en plus faible de survivants. Certains se sont éteints en 5778, en particulier l’écrivain et cinéaste Claude Lanzmann zal, qui a inspiré le mot Shoah à travers le succès planétaire de son film éponyme et immortalisé « la voix sans repentance des bourreaux », selon l’expression du président de l’institution cultuelle, organisatrice de la manifestation diffusée en léger différé sur France 2. Six rescapés d’Auschwitz, âgés de quatrevingt- onze à quatre-vingt-quatorze ans, ont allumé les six bougies symbolisant les six millions de Juifs exterminés. Deux autres miraculés, Samuel Cytermann, à quelques semaines de sa centième année, et la résistante Yvette Lévy, quatre-vingtdouze ans, ont témoigné. Celle-ci a évoqué le sauvetage des enfants auquel elle a participé aux côtés des Eclaireurs israélites (EI), puis son arrivée en 1944 sur la tristement
célèbre rampe de Birkenau, sa « sélection » par Mengele pour devenir esclave dans une usine d’armement installée à proximité, par moins 20 degrés… jusqu’à sa libération par l’Armée Rouge. Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s’est arrêté sur le terme Shoah « qui dit l’indicible, à la jointure du silence et de la parole. Comme chacun de nous doit se sentir personnellement sorti d’Egypte, ainsi que le recommande la haggada de Pessa›h, de même une part de nous tous est restée dans les camps », a-t-il proclamé. Les chants et tefilot ont été notamment psalmodiés par les élèves du Talmud Torah de la Victoire, sous la direction de Jean- Marc Thoron, chef de choeur. On a entendu, en outre, les ‹hazanim Adolphe Attia et Aaron Hayoun – et un jeune violoniste, Zimrane Lorente. Les comédiens Steeve Suissa
et Francis Huster ont lu des morceaux traduits de l’italien de l’oeuvre de Primo Levi, auteur de « Si c’est un homme » racontant son expérience concentrationnaire. C’est le rabbin de la synagogue, le rav Moché Sebbag, qui a conclu la cérémonie par les prières pour la République et pour l’Etat d’Israël.
Axel Gantz