A l’occasion des Chlochim de Rabbi Aharon Monsonégo zatsal, découvrons quelques facettes de cette grande personnalité qui, au-delà de son travail remarquable mené au sein de la communauté juive du Maroc, s’est considérablement mobilisé pour aider les institutions juives françaises. Son soutien et son influence, ont atteint, en toute discrétion, les quatre coins de la France. Haguesher remercie son fils, Rav Yossef Monsonégo chlita d’avoir eu la gentillesse de nous livrer ses témoignages.
Une Zrizout remarquable ! Mon papa excellait tout particulièrement dans la Midda de Zrizout (le zèle, l’empressement). Dès qu’une mission se présentait à lui, il passait immédiatement à l’action. A titre d’exemple, en 1962, lorsqu’un tremblement de terre frappa la ville d’Agadir, il se précipita
immédiatement sur les lieux. Il fallait se charger d’enterrer les victimes qui avaient succombé à cette catastrophe, se soucier des orphelins… Autre cas marquant : un Juif israélien avait voyagé au Maroc pour passer quelques jours de vacances. Un jeudi soir, alors qu’il se promenait près du Palais Royal, il fut soudainement arrêté par deux agents secrets. Le soupçonnant d’être un espion, ils lui firent passer un interrogatoire… Dès qu’ils le relâchèrent, il se prépara à quitter le Maroc. Mais, voilà qu’il fut à nouveau interpellé et là, on s’apprêtait à l’emprisonner. Désemparé, le Juif leur suggéra de consulter le Grand Rabbin du Maroc pour qu’il confirme son innocence. Sa requête fut acceptée… Hélas, le Rav n’était pas à son domicile. Refusant d’attendre le retour du Rav, on le conduisit vers une cave sombre qui abritait des prisonniers nourris d’eau et de pain sec. Ces derniers l’informèrent qu’on ne survivait pas plus que quelques jours dans de telles conditions et ajoutèrent que le sort réservé aux Juifs était pire que celui des autres prisonniers… Entre temps, Rabbi Aharon Monsonégo zatsal rentra chez lui et fut tenu au courant de son appel. Conscient de la gravité de la situation, il fit le maximum pour intervenir immédiatement auprès des plus hautes autorités du Maroc. Baroukh Hachem, le lendemain, le touriste fut libéré… Le Rav ne se suffit pas de lui sauver la vie en le libérant de prison, il l’invita à passer
Chabbat chez lui ! Ainsi, dans bien des cas, tant pour venir en aide à un Juif en détresse que pour
soutenir une institution en difficulté, Rabbi Aharon répondait présent et se démenait pour agir rapidement afin de solutionner les problèmes qui se présentaient à lui. Son influence en France Rabbi Aharon Monsonégo zatsal a beaucoup soutenu la Yéchiva d’Aix-Les- Bains : institution qu’il avait lui-même fréquentée. Il s’y rendait de temps à autre et donnait cours à la Yéchiva et au séminaire. Aussi, il accueillait Rav Guerchon Cahen Zatsal, lors de ses tournées annuelles au Maroc. Par ailleurs, il était en très bons termes avec Rav Philippe Kohn Zatsal de Marseille qui venait chaque année récolter
des fonds au Maroc. Mon père le recevait, l’aidait et faisait de son mieux pour contribuer à la diffusion de la Torah et à assurer sa transmission. A Lyon également, l’action de Rabbi Aharon s’étendit… Il y a environ 45 ans, il s’était tenu aux côtés du Rav Fédida Chlita (qui dirige actuellement les institutions Guéon Yaakov de Bné-Brak) pour l’aider à ouvrir une école juive. L’influence de Rabbi Aharon en France se manifestait surtout par le biais du réseau scolaire Ozar Hatorah dont il était membre fondateur. Il travaillait, main dans la main avec Mr Jean-Paul Amoyelle. L’équipe de la direction d’Ozar Hatorah accordait un poids important à l’avis du Rav et tenait à ce qu’il soit présent aux réunions… d’où ses nombreux voyages en France. Quant aux décisions importantes à prendre au sein d’Ozar Hatorah, Rav Monsonégo et ses partenaires se rendaient à Zurich pour consulter le Rav Moché Soloweitchik zatsal. Signalons que la communauté juive de Toulouse fut aussi l’une de ses préoccupations. C’est lui qui encouragea son neveu, Rav Yaakov Monsonégo chlita, à s’installer dans cette ville pour prendre les rênes de l’école. Par la suite, Rav Yaakov y développa un Makom Torah dynamique avec un Collel. Plus récemment, il était aussi en contact avec la Yéchiva Ketana de Bonneuil et celle de Rav Shlomo Fresh. Il ne manquait pas de leur manifester son soutien et de leur fournir des conseils ! Le ‘Hinoukh : sa mission prioritaire !Bien que mon père était impliqué dans divers domaines (la cacherout, les Mikvaot…) sa mission essentielle était d’assurer aux jeunes une éducation juive authentique. Que ce soit au Maroc ou en France, il s’investissait de tout coeur dans cette noble tâche. Et, s’étant fixé pour objectif de sauver la jeunesse juive du Maroc qui était en danger d’un point de vue spirituel, il avait renoncé à d’autres propositions. Exposée à l’influence de différents mouvements qui lui proposaient une ouverture vers des horizons qui l’éloigneraient de la Torah, cette jeunesse avait besoin d’un Talmid ‘Hakham qui l’éclaire. Il encourageait les jeunes à aller à la Yéchiva et les orientait généralement vers Aix-Les-Bains ou Armentières. Le Rav les y introduisait et se souciait de leur bienêtre. En cas de besoin, c’est lui qui assumait les frais de voyage… Lors d’une visite de Rabbénou Guerchon Libman au Maroc pour recruter des élèves, Rav Monsonégo loua un autobus pour que les élèves aillent l’accueillir à son arrivée et prennent conscience qu’il s’agissait d’une sommité rabbinique. Lorsqu’il fut nommé Grand Rabbin du Maroc, il fit remarquer avec simplicité et humilité : « עולם כמנהגו נוהג », autrement dit… « la vie suit son cours ». Ses hautes fonctions et son titre honorifique n’allaient guère
le détourner de cet idéal qui l’animait jusqu’au plus profond de son être : dispenser à la jeune génération un ‘Hinoukh fidèle aux valeurs de la Torah ! Une relation étroite avec les Guedolé Israël Rav Monsonégo zatsal vouait beaucoup de respect aux Rabbanim, il aimait être à leurs côtés et il s’imprégnait de leur grandeur. On pourrait citer plusieurs Rabbanim avec lesquels il entretenait une relation privilégiée : Rav Its’hak ‘Haïkin et Rav Moché Soloweïtchik mais aussi, le Rav de Brisk, Rabbi Tsikel d’Anvers (il lui arrivait de passer des Chabbatot chez lui), Rabbi Yoël de Satmar (il lui rendait visite lors de ses voyages aux Etats- Unis). Chaque année, il prenait soin de leur choisir de beaux Etroguim du Maroc et d’en
envoyer avant Souccot, à Rav ‘Haïkin, Rav Soloweïtchik et au Rav de Brisk. « Yéhi Zikhro baroukh » et que son mérite nous protège !
Propos recueillis par Yokheved Levy
Né à Fès (Maroc) en 1929, Rabbi Aharon Monsonégo zatsal était le fils de Rabbi Yédidya ayant lui aussi été Grand Rabbin du Maroc. Il descendait d’une lignée de Rabbanim qui remontait à près de 500 ans. Enfant, il fréquenta l’école Em Habanim puis intégra la Yéchiva du Rav Méïr Israël. Après la Shoah, il
se rendit à la Yéchiva d’Aix-Les- Bains. Dès 1950, il commença à y enseigner et en 1951, il reçut sa
Semikha de Rav. Après 7 années d’étude à Aix, il hésita à faire son Alya ou à accepter d’autres postes puis, suivant les conseils du Rav de Brisk, Rav Its’hak Zéev Halévy Soloweitchik, il retourna au Maroc pour diriger l’école juive de Casablanca qui comptait alors
1500 élèves. De plus, il fonda des institutions juives à Fès, Tanger, Meknès, ouvrit à Casablanca un
lycée pour filles et une Yéchiva nommée « Névé Chalom ». D’illustres Talmidé ‘Hakhamim y ont étudié, notamment Rav Nissim Rébibo zatsal et Rav Chlomo Moché Amar Chlita. En 1960, il fut nommé directeur du réseau Ozar Hatorah au Maroc et à partir de 1966, il devint membre-fondateur du même groupe scolaire de France. Il était proche du Rav Réphaël Baroukh Tolédano Zatsal ainsi que du Rav Ovadya Yossef zatsal qu’il consultait pour traiter, en particulier, des cas de Agounot. Soucieux
de préserver le respect des Mitsvot au sein des jeunes, il s’opposa au
mouvement de la Alyat Hanoar. En 1994, suite au décès de son père, il le succéda au poste de Grand Rabbin (fonction qu’il partagea également avec Rav Shimon Suissa) mais refusa de percevoir de salaire
en contrepartie. Dès 1998, après la démission du Rav Suissa, cumulant le poste de Grand Rabbin et de Av Beth-Din, il fut seul à répondre aux besoins variés de la communauté juive marocaine. En outre, il rédigea de nombreux livres et une douzaine d’entre eux furent publiés. En 2010, après le décès de son
épouse, il monta en Israël. Lui vouant un grand respect, le roi du Maroc s’opposa à lui désigner un successeur après son départ et depuis, lors des cérémonies au Palais Royal, une place vide était réservée en son honneur. Le 26 Av dernier, Rabbi Aharon nous quitta, laissant derrière lui une merveilleuse famille et d’innombrables disciples. Il fut enterré au Har Haménou’hot.