En ce début d’année 5779, essayons de jeter un regard objectif sur le devenir de l’Histoire et en particulier sur le SENS à donner à ce devenir. On connaît les deux orientations de la philosophie de l’Histoire : à la perspective cyclique hellénique, ulysséenne, d’un retour nostalgique vers son île natale, s’oppose la lecture hégélienne d’une humanité en progression vers un avenir meilleur. Mais cette perspective ne menait pas vers un but précis, promis. De ce fait, l’utopie marxiste, conséquence de cette lecture, ne pouvaitdéboucher que sur un échec, n’ayant pas d’objectif réel. Le départ d’Avraham, par contre, répondant à l’invitation divine, était orienté : « Quitte ton pays, ton lieu natal, ta maison paternelle, et va au pays que Je t’indiquerai » (Beréchit 12.1). Le départ d’Avraham est dirigé, et en fait, il devait le conduire vers Erets Israël, pour faire connaître la foi en D.ieu Cette orientation correspond à la
nécessité de quitter le lieu d’origine pour répandre la « Emouna » dans le monde.
Cela signifie que le départ a une direction et une signification. Le voyage d’Ulysse n’est qu’un retour, et non un « nouveau » départ. Quant au périple « volontariste »,le désir d’améliorer la condition humaine,
il reste stérile, s’il ne se fonde pas sur une fonction positive : aider autrui peut amener à reconnaître le Créateur. C’est parce qu’il avait compris que le monde se fondait sur le « ‘héssed » qu’Avraham a découvert le Créateur. Donc, en réalité, il y a trois options différentes dans la perspective temporelle :
une répétition quotidienne et banale, une routine formelle dépourvue d’idéal, qui ne s’ouvre pas sur une construction spirituelle, mais reste monotone. Un deuxième échelon peut nous amener à découvrir une étincelle, grâce à un désir d’ajouter une dimension éclairante à la condition humaine. Une troisième voie, celle qui vient d’une source spirituelle, nous permet de donner un but à l’aventure humaine. Il est particulièrement intéressant de relever que ces trois options s’expriment dans
les trois périodes de mesure du temps : l’année, le mois et la semaine. L’année, en hébreu « chana »/ שנה, traduit une répétition. C’est un retour permanent, le temps d’une révolution de la terre autour du soleil, qui est soulignée au début de l’année : Roch Hachana. Le mois, lui, est lunaire : il implique un nouveau cycle naturel ; mais reste dans le cadre de la nature. Il y a, ici, non pas révolution, mais retour d’un nouveau cycle : חודש – mois en hébreu – traduit l’idée d’un renouveau et se célèbre également à la source, le Roch Hodèch. Quant à la semaine, elle traduit la 3e dimension, celle d’un devenir qui désire s’investir et aboutir à un renouveau. La semaine a une source originelle, l’intention de construire une réalité spirituelle. C’est le sens des 6 jours de la semaine qui doivent préparer le 7e jour, jour de la sainteté.
Alors que l’année traduit un RETOUR permanent et est donc célébrée à son début, tandis que le mois implique un désir de renouveau – le cycle lunaire se renouvelle de façon plus régulière que le cycle de l’année. Il est aussi souligné à son début – la semaine, elle, est fondée sur l’idée de développement spirituel ; elle est donc célébrée à sa fin : le Chabbat, sorte de préparation à l’avènement messianique – מעין עולם הבא . Ainsi est repris le désir originel de retrouver la source première et de la féconder pour amorcer le but ultime de l’Histoire – חדש ימינו כקדם – Renouveler la félicité du Paradis originel. C’est la SOURCE et l’ultime FIN de l’Histoire.