Le « parc Alain Ghozland » de Créteil : tout un symbole…
Le grand espace vert de la Brèche porte désormais le nom du conseiller municipal assassiné en 2016, qui a beaucoup œuvré pour le développement du judaïsme local. Albert Elharrar, président de la communauté, témoigne pour Haguesher.
L’émotion était vive et l’assistance nombreuse le 1er juillet à Créteil (« Nous étions environ cent cinquante », nous dit Albert Elharrar, président de la communauté) pour l’inauguration du « parc Alain Ghozland », nouveau nom du grand espace vert de la Brèche. L’ancien conseiller municipal Les Républicains, pilier de la communauté, a été assassiné chez lui en janvier 2016. Un meurtre crapuleux qui n’a aucun lien avec les activités publiques ou la judéité de la victime. Deux hommes interpellés quelques jours après le crimeattendent d’être jugés, probablement au début de l’année prochaine.
Le voile recouvrant la plaque à sa mémoire a été levé par l’inamovible maire socialiste, Laurent Cathala, aux côtés de son opposant de droite Thierry Hebbrecht, de la sénatrice Les Républicains Catherine Procaccia et d’Albert Elharrar. Beaucoup d’élus locaux se sont déplacés. Alain Ghozlandzal était très proche de Laurent Cathala, malgré leurs divergences politiques. Ce dernier a chaleureusement salué « un homme qui s’est passionnément engagé pour sa ville et sa communauté, toujours présent et prêt à rendre service ». S’il a reconnu que leurs « échanges étaient parfois vifs », Laurent Cathala a rappelé la force et l’ancienneté de sa considération pour le disparu. Thierry Hebbrechta insisté sur le sens de l’écoute de son ami décédé.« Il me manque », a-t-il confié la voix brisée.
C’est le maire lui-même qui a proposé au conseil de rebaptiser ainsi le parc de la Brèche, bien connu des Juifs franciliens pour l’impressionnantefête de LagBaomer qui s’y déroule chaque année, avec six à sept mille participants. « Un geste symbolique qui nous va droit au cœur », commente Albert Elharrar. Dans son allocution, il a remercié la municipalité pour cette décision emblématique du « vivre ensemble » qu’elle défend depuis longtemps.
Jacques, neveu d’Alain Ghozlandzal, représentait la famille à la tribune. Il a souligné les qualités de son oncle : « gentillesse, disponibilité, dévouement, esprit ouvert et compréhensif. Il a été arrêté en plein vol, a-t-il proclamé, par des délinquants qui le surveillaient (…) et qui l’ont finalement atteint dans le but de lui ôter crapuleusement la vie ». Bravant la chaleur caniculaire de ce dimanche, Charlotte, mère du défunt, était également présente. On a entendu cette femme de cent quatre ans murmurer : « J’aurais préféré que ce soit moi qui parte ».
« Nous adorions son franc-parler et sa jovialité, nous explique le président Elharrar. Il était notre représentant auprès des élus et a agi constamment en notre faveur – avec une réelle efficacité ! Quand un nouvel ensemble urbain était projeté, il s’arrangeait pour qu’un lieu soit réservé à l’édification d’une choule. Il n’avait pas d’enfants et son véritable foyer, disait-il, était la communauté de Créteil, en particulier la grande synagogue de la rue du 8 mai 1945 ».
Son père, Henri Ghozlandzal, originaire d’Algérie, était l’un des cofondateurs de cette communauté et l’avait présidée au milieu des années 60. Alain avait donc le militantisme dans le sang.
Peu avant l’annonce du verdict dans l’affaire de l’agression d’un jeune couple juif du quartier du Port, en 2014, et quelques mois après les dégradations subies par deux magasins casher, l’ambiance était-elle plombée le 1er juillet par larecrudescence des actes antisémites dans le Val-de-Marne ? « On raconte beaucoup de bêtises à ce sujet, affirme le président. Il y a certes des secteurs sensibles à Créteil, mais les dégradations en question étaient-elles de nature antijuive ? Je n’en suis pas sûr. Elles ont visé une zone où pullulent les trafics… Par ailleurs, des milliers de gens passent chaque jour à proximité immédiate de la grande synagogue pour prendre le métro. Ici, à Mont-Mesly, la population est défavorisée, les musulmans sont nombreux et pourtant, la salle de prière n’est jamais touchée par le moindre graffiti ou une tentative malveillante. Le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) épaule positivement les forces de l’ordre mais je crois surtout que la cohabitation interconfessionnelle est bien meilleure qu’on ne le pense vu de loin ».
Axel Gantz