La première A’hnassatséfer Torah depuis vingt ans à Vichy (Allier) aura lieu le 3 juin à 15 heures. La présidente de cette petite communauté de quatre-vingts à cent familles (en comptant les villes voisines de Moulins et Montluçon), Michelle London, précise que les dernières lettres du rouleau sacré, calligraphié en Israël, seront tracées ce jour-là par un sofer lyonnais, Michaël Lévy – recommandé par le rav Richard Wertenschlag, grand rabbin régional. Cinquante à cent personnes sont attendues dans la synagogue. Celle-ci a été fondée en 1933. A l’époque, Vichy était déjà un lieu de villégiature et de cure réputé, jusqu’au Maghreb. Si bien qu’à la belle saison, la choule était pleine avec un kahal ashkénaze mais aussi séfarade.
De nombreux Juifs se sont réfugiés ici sous l’Occupation et malgré l’omniprésence du gouvernement collaborationniste de Pétain siégeant dans la commune, la salle de prière n’a cessé de fonctionner jusqu’à la rafle fatale du 28 août 1942. Le Consistoire central y était même très officiellement installé depuis la débâcle de 1940, avant de déménager une nouvelle fois à Lyon après 1941.
Cette ancienneté explique l’abondance de sefarim entreposés dans lehekhal. Mais la plupart d’entre eux ne seraient plus casher en raison de l’effacement de certaines lettres usées par le temps.
Ce nouveau rouleau est offert par Marcelle-Rachel Guez, quatre-vingt-onze ans, en mémoire de sa sœur Lydie Guezzal, décédée en janvier 2018 à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Un parcours conjoint atypique et une érudition spirituelle unique en Auvergne – exception faite du ministre-officiant Daniel El Haddad. Comment deux Juives de cette génération pouvaient-elles maîtriser aussi parfaitement l’hébreu et réciter quotidiennement… toutes les brakhot imposées par la Halakha ? Michelle London s’en étonne toujours.
Il n’y a pas de rabbin à Vichy mais le chalia’htsibbour, frère du ravRefael El Haddad de Bron, se déplace systématiquement le Chabbat et pour les fêtes depuis la métropolerhône-alpine. Vingt à vingt-cinq fidèles participent à la tefila du Chabbat matin. Il existe en outre un centre culturel nommé Anne Frank, un talmud Torah avec cinq élèves et un mikvé. Ceux qui le souhaitent se font livrer des produits casher et Daniel El Haddad en achemine de temps à autre en grande quantité pour les repas collectifs, à l’occasion des yamimtovim. Michelle London nous fait remarquer que la synagogue est ouverte même en semaine au mois d’août, en raison de l’afflux des curistes. Une facilité exceptionnelle en province.
La présidente voudrait surtout accueillir de nouvelles familles et s’engage à les aider à trouver logement et travail. « La démographie juive est stable dans l’Allier, dit-elle, mais les avantages sont certains pour ceux qui nous rejoindraient : la vie cultuelle est certes limitée mais a le mérite de la régularité. L’immobilier est bon marché, les emplois pullulent dans les secteurs de l’hôtellerie, du tourisme, de la santé ou de l’aide auxpersonnes âgées, puisque beaucoup de retraités résident ici. On peut arborer la kippa sans la moindre gêne et dans la sécurité. Nous sommes appréciéset respectés. Le souvenir culpabilisant du régime de Vichy joue-t-il un rôle inconscient dans le traitement chaleureux qui nous est réservé par la population ? Je l’ignore mais il fait bon vivre pour un Juif dans cette ville ».
Axel Gantz