Cérémonie à forte valeur symbolique ce 14 mai à Metz : une grande stèle d’un mètre cinquante de hauteur et une plus petite en marbre noir ont été inaugurées aux extrémités de l’ancien cimetière juif de Chambière, qui date du début du 17e siècle. Le maire, Dominique Gros et des élus étaient présents aux côtés des représentants de la communauté juive. Le ravElyakim Schlesinger chlita de Londres a même fait le déplacement. Le rav Bruno Fiszon, grand rabbin de la Moselle, nous explique la raison de ce voyage : « Ce fameux possek est venu en personne car il préside l’Atra Kadisha ou Comité pour la préservation des cimetières juifs en Europe, qui a joué un rôle majeur dans le sauvetage de ce lieu de mémoire messin, dont chacun mesure l’importance halakhique. Les bienfaiteurs américains du Comité ont pris notre affaire à cœur, eux aussi. C’est pourquoi le vice-consul des Etats-Unis à Strasbourg était parmi nous le 14 ».
Flashback : en 1903, l’armée allemande qui occupait la région a réquisitionné l’espace mortuaire pour le transformer en caserne. Le rabbinat local, disposant d’un statut officiel, a engagé alors une procédure devant la justice berlinoise, exigeant l’annulation du projet. Le tribunal lui a hélas donné tort. Du coup, les corps ont été transportés à la hâte – et dans des conditions difficiles à évaluer aujourd’hui – vers le second cimetière juif de Metz (créé plus tard, au 18e siècle), situé dans le même secteur, à un kilomètre de là. Mais une partie des cent à deux cents sépultures concernées n’auraient pas été déplacées : sans doute des dizaines. Après 1945, on apercevait encore des morceaux de pierres tombales à cet emplacement devenu simple terrain vague. Un Juif a fini par l’acheter pour sanctuariser le site et veiller au repos des néchamot inhumées ici mais a dû le revendre pour raison financière. L’acquéreur, un promoteur lorrain, a décidé d’en faire un vaste parking.
Un bras de fer s’en est suivi. La communauté, qui bénéfice du régime concordataire en vigueur en Alsace-Moselle, a tenté de bloquer l’entreprise et un compromis a été trouvé avec l’aval de la préfecture : les places réservées aux voitures ont été construites sans toucher aux fondations où se trouvent probablement l’essentiel des ossements. Les travaux ont été achevés en 2013.
La pose de stèles commémoratives a notamment pour objectif de pérenniser le statu quo et de dissuader un éventuel nouveau propriétaire, à l’avenir, d’y déroger en profanant le vieux cimetière abandonné.
Plusieurs tsaddikim y ont été enterrés, en particulier Rabbi Asher Loeb Guinzburgzatsal, décédé en 1785 et surnommé le ShaagatArié, ou Rabbi Yaacov Reicher zatsal, disparu en1733 et connu sous le nom de ShvoutYaacov.
Axel Gantz