L’ancien Secrétaire d’Etat de Barack Obama a fait parler de lui ces derniers jours autour de deux conseils qu’il a donnés et qui prouvent, comme si cela était encore nécessaire, que l’homme qui a conduit la diplomatie israélienne n’avait qu’une compréhension très limitée des rapports de forces régionaux et de leur complexité. Analyse.
Cela fait bien longtemps que l’on n’avait pas parlé de John Kerry. Depuis que Donald Trump s’est installé à la Maison Blanche, le 20 janvier 2017, l’ancien Secrétaire d’Etat américain qui n’est guère populaire en Israël, avait quasiment disparu des écrans de télévision. Jusqu’à ces derniers jours : en effet, à la fin du mois de janvier dernier, Kerry aurait fait passer un « conseil d’ami » au raïs palestinien. Lors d’un récent entretien qu’il a eu à Londres avec Hussein Aka, l’un des proches conseillers de Mahmoud Abbas très impliqué dans le processus d’Oslo, Kerry aurait suggéré à Abbas de ne pas se fâcher irrémédiablement avec l’ensemble de l’administration Trump mais par contre de « charger » l’actuel président américain en attendant patiemment le départ de ce dernier. En effet, selon les appréciations de Kerry, Donald Trump « n’en n’aurait pas pour longtemps à la Maison Blanche ». Selon certaines sources, Kerry serait même allé plus loin et aurait sous-entendu à ce proche d’Abbas qu’il devait attendre que les Démocrates, et peut-être lui-même, s’installent à nouveau à la Maison Blanche ! « Soyez patient ! » aurait dit Kerry à un Abbas qui approche des 83 ans.
A Jérusalem, ce conseil pertinent a quelque peu fait sourire. Il a surtout rappelé les dégâts causés, ces dernières années, par d’autres mauvais conseils de l’ancien Secrétaire d’Etat, en particulier dans le processus de paix. En effet, pour de nombreux analystes politiques israéliens, Kerry est l’un des responsables directs de l’échec de ces pourparlers, échec constaté fin avril 2014 après de longs mois de discussions vaines qui avaient, tout de même, permis aux Palestiniens d’obtenir la libération de plusieurs centaines de leurs détenus dont beaucoup avaient du sang sur les mains, sans qu’Israël ne reçoive la moindre contrepartie. A l’époque, on avait expliqué côté israélien que John Kerry avait, dès le début des négociations, promis à Mahmoud Abbas que tous les prisonniers du Fatah détenus par Israël seraient relâchés. Une promesse stupéfiante que Kerry entendait imposer à Israël, quel que soit l’état des négociations. Finalement, Israël s’était refusé à tomber dans le piège du Secrétaire d’Etat américain et avait refusé de procéder à la quatrième et dernière phase de libération des détenus, sachant pertinemment qu’il s’agirait là d’un geste sans contrepartie.
Mais ce n’est pas tout : en septembre 2015, Kerry avait torpillé une rencontre prévue entre Binyamin Nétanyaou et Mahmoud Abbas. A cette époque, les pourparlers étaient gelés et c’est le raïs palestinien lui-même qui avait exprimé, lors d’une rencontre à Paris avec plusieurs ambassadeurs d’Israël, son souhait de rencontrer Nétanyaou. Mais, aurait-il dit alors, « une tierce partie qui n’est pas israélienne avait empêché la tenue de cette rencontre » et l’on avait su par la suite qu’il s’agissait de Kerry. Pourquoi cet esprit destructeur ? Peut-être parce que Kerry voulait être le parrain des négociations et qu’il était prêt à les torpiller si celles-ci se tenaient sans son aval. Selon une autre explication Kerry aurait été, à cette époque, c’est-à-dire durant l’été 2015, plus préoccupé par la conclusion de l’accord de Vienne avec les Iraniens que par le processus de paix. Et il craignait qu’une relance de ce processus n’entrave la mise en place de l’accord signé le 14 juillet de la même année.
La dernière « bourde » de Kerry, révélée ces derniers jours, s’inscrit toujours dans cette réelle et étonnante incompréhension des tenants et aboutissants du conflit israélo-palestinien. Selon certaines sources, John Kerry aurait, quelques jours avant de quitter le Département d’Etat, il y a un an, tenté de conclure un accord avec l’Egypte, la Jordanie et Israël, visant à former une alliance régionale solide pour combattre Daesh en particulier dans la péninsule du Sinaï. Mais une clause dans cet accord, rédigée par Kerry, aurait fait tomber à la renverse Mr Nétanyaou : cette clause stipulait que « l’Egypte et la Jordanie se porteraient garants de la sécurité d’Israël ». Une clause d’autant plus ahurissante qu’à cette époque et selon des informations fournies ces derniers jours par le New York Times, c’est l’armée de l’air israélienne qui effectuait des opérations de nettoyage des nids terroristes de Daesh dans la péninsule du Sinaï… à la demande du président Al Sissi…
Et dire que c’est ce même John Kerry qui a guidé la diplomatie internationale et qui a été le moteur et catalyseur de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien… Ahurissant, stupéfiant… et même effrayant.
Daniel Haïk