Après avoir traversé la mer Rouge et entonné la Chira (le cantique de la Mer), puis voyagé trois jours dans le désert, les enfants d’Israël « arrivèrent à Mara, et ils ne purent boire l’eau de Mara, car elle était trop amère » (Chémot 15, 23). Le peuple murmura contre Moché, qui implora l’Eternel. « Le Seigneur lui indiqua un morceau de bois et [lui demanda] de le jeter à l’eau et l’eau s’adoucit » (Id 15, 25).
Et tout juste après, il est écrit : « Ils arrivèrent à Elima, là étaient douze sources d’eau et soixante-dix palmiers. Ils y campèrent près des eaux » (Id. 15, 27). On peut s’interroger sur l’importance que donne la Torah à ces sources d’eau et à ces palmiers, au point qu’il lui faille en préciser le nombre. Egalement dans la Parachat Massé (Bamidbar 33, 9), lorsque l’itinéraire des enfants d’Israël dans le désert est mentionné, la Torah précise encore pour Elima qu’il y avait douze sources d’eau et soixante-dix palmiers, alors qu’elle ne s’attarde pas, sur chaque étape, à décrire l’endroit et ce qui s’y est passé !
Le Ramban rapporte, tout d’abord, l’explication simple du Eben Ezra : la Torah vient nous enseigner qu’après le passage à Mara, où ne se trouvait pas d’eau potable, les enfants d’Israël purent camper pendant une longue période à Elima, où se trouvaient des palmiers et des sources d’eau douce avec abondance, nous montrant ainsi la grande bonté de D.ieu envers les Hébreux. Rachi, lui, signale au nom de la Mékhilta : Douze sources, une pour chaque tribu, et soixante-dix palmiers, à l’ombre desquels soixante-dix Sages pouvaient s’asseoir. Rabbi Eliézer Hamodaï déclare que, depuis les six jours de la Création, l’Eternel avait préparé ces sources et ces palmiers. Mais que représentaient ces sources et ces palmiers, au point d’avoir été planifiés dès l’avènement du monde ?
Le Rav Sim’ha Zissel Broïdé zatsal explique que la Torah veut nous montrer ici l’importance et l’honneur que l’on doit avoir envers la Torah et les Sages qui la représentent. C’est pourquoi, dès les premiers jours de la Création, ces palmiers avaient été apprêtés en l’honneur des Sages, comme il est dit à propos de Déborah la prophétesse : « Elle siégeait au pied du palmier de Déborah » (Choftim 4, 5). Ces palmiers n’étaient pas là pour protéger les tribus du soleil, puisqu’il y avait déjà les nuées pour cela, mais ils étaient un signe de noblesse réservé à la Torah et à ceux qui l’étudient.
Une autre explication est donnée par le Béer Hamélekh. A propos du verset : « ‘Hanokh la famille de Ha’hanokhi » (Bamidbar 26, 5), Rachi rapporte que les peuples se moquaient des enfants d’Israël, en disant : « Comment peuvent-ils prétendre se rattacher à leur tribu selon leur filiation paternelle ? Pensent-ils donc que les Egyptiens n’avaient pas abusé des mères juives ? Ayant pouvoir sur les hommes, à plus forte raison dominaient-ils les femmes ! » Voilà pourquoi D.ieu a associé Son Nom à celui de chaque famille d’Israël, ajoutant la lettre hé au début de chaque nom et la lettre yod à la fin, comme pour porter témoignage qu’ils étaient bien les fils de leur père. C’est ce que le verset dit : « C’est là que montent les tribus, les tribus de “l’Eternel” (yod et hé), témoignage pour Israël » (Téhilim 122, 4). C’est ce Nom-là – composé des lettres yod et hé – qui témoigne pour eux quant à la pureté de leur ascendance.
Si les Egyptiens s’étaient mêlés au peuple d’Israël, il n’aurait pas pu y avoir de Tribus et par la suite, pas non plus de Sanhédrin (dont l’accès exige des critères de lignée particulière et reconnue, rapportées par le Rambam, Hilkhot Sanhédrin ch. 2). A la Création du monde, l’Eternel avait préparé les douze sources d’eau et les soixante-dix palmiers pour faire savoir, après la sortie d’Egypte, que le peuple d’Israël était resté intègre et de bonnes mœurs. C’est pourquoi la Torah accorde tellement d’importance au lieu d’Elima, et le souligne de nouveau dans la Paracha de Massé.
Rav Binyamin Beressi