Malgré les tensions au nord et au sud du pays, Tsahal maintient un haut niveau de préparation face aux prochains scénarios de conflits simultanés, asymétriques – et pas tous conventionnels – se profilant à l’horizon…
Clé de voûte de ces préparations : le plan pluriannuel Gidéon lancé en 2015 et appliqué par le chef d’état-major de Tsahal, le général Gadi Eizenkot, dont le but consiste à intensifier dans tous les domaines les préparations – à la fois humaines, organisationnelles, logistiques et technologiques – de l’armée. Laquelle devra gérer à court ou moyen termes plusieurs conflits assez complexes qui l’opposeront de manière simultanée et sur plusieurs fronts à la fois à des ennemis conventionnels mais aussi non-étatiques qu’il lui faudra défaire de manière cuisante. Et ce, d’autant que le concept stratégique de « victoire décisive » a refait surface avec la nécessité, dans certaines situations, de « guerres préventives ».
Grâce à une budgétisation prévue à l’avance d’année en année, ce plan devenu la priorité du haut-commandement de Tsahal a pu se déployer dans le climat de calme relatif dont jouit le pays depuis 2014. Permettant d’intensifier les entraînements des unités de toutes les armes de Tsahal – ce que l’on n’avait pas vu depuis longtemps -, ce programme destiné à préparer Israël à un avenir de plus en plus incertain s’applique à tous les niveaux : permettant d’amplifier la force de dissuasion d’Israël, il vise à augmenter la puissance de feu de l’armée, accroître le processus d’« informatisation du champ de bataille » et mieux renseigner les décideurs de Tsahal sur les possibilités et les intentions des ennemis potentiels grâce à la constitution d’une énorme banque de données. Du fait de sa faible profondeur territoriale – un désavantage aggravé par les armes sophistiquées fournies au Hamas et au Hezbollah par l’Iran -, Israël doit être prêt à toutes les éventualités d’attaques combinées et tous azimuts analysées, de manière plus souple et dialectique, en fonction des prévisions sur les intentions envisageables de l’ennemi et non plus basées sur de simples scénarios.
C’est que dans un Moyen-Orient qui ne regroupe que 5 % de la population mondiale pour 58 % des réfugiés de la planète et où 21 millions de jeunes analphabètes constituent l’inépuisable vivier du terrorisme, on peut prévoir que la vague de bouleversements et de violence débutée en 2011 va se poursuivre, voire s’amplifier…
Que signifie pour Tsahal « être prête » ?
D’où la nécessité pour Tsahal d’accélérer l’approvisionnement constant des stocks de munitions et des équipements de chaque unité sur tous les théâtres d’opération envisageables, d’intensifier les entraînements « durs » des réservistes et des soldats professionnels, de produire massivement des chars et des nouveaux types de transports de troupes (voir notre article).
Autre type de préparations indispensables pour surprendre l’adversaire en ce début du 21e siècle : grâce à différents procédés virtuels et des « puces » invisibles dispersées sur le terrain, les Renseignements de l’armée ont accumulé ces dernières années de centaines de milliers de données sur les cibles ennemies, toutes rassemblées dans une immense banque de données (dite C4l) mise depuis 2014 à la disposition « en temps réel » à la fois de l’état-major, mais aussi des unités sur les champs de bataille, tous les acteurs étant désormais interconnectés par des écrans visuels très perfectionnés afin d’agir de concert le plus vite possible et avec peu de marges d’erreurs. Ce qui permet à un commandant de char de pouvoir dialoguer en direct avec un pilote de chasse afin de lui indiquer les cibles à bombarder.
« Notre puissance militaire peut déjouer nos ennemis de toutes sortes sur tous les théâtres d’affrontements, explique le général Herzl Halevi, chef du Département des Renseignements de Tsahal. Mais il existe dans la région une instabilité grandissante du fait de la multiplication des acteurs non-étatiques s’armant jusqu’aux dents : de plus en plus de moyens militaires très destructeurs sont donc gérés par des forces irresponsables, ce qui augmente les probabilités de scénarios du pire ».
Autre « inconnue » largement débattue par les stratèges israéliens : le problème encore non résolu de l’effectivité de la résilience du « front de l’arrière » en cas d’attaques massives et répétées aux missiles sur les centres urbains du pays…
Richard Darmon