La Knesset a voté la semaine dernière la loi sur les recommandations de la police, mais elle n’est pas parvenue à voter celle permettant aux supérettes d’ouvrir ou non durant le Chabbat. Cette intense activité parlementaire aurait été tout à l’honneur de l’opposition, si celle-ci ne s’était pas conduite de manière déplorable envers le député Likoud Yehouda Glik, quelques heures après la disparition de son épouse Yafi zal. Analyse.
A l’issue de deux journées de débats-marathon, qui se sont déroulés dans une ambiance tour à tour cocasse et tendue, la Knesset a voté dans la nuit de mercredi à jeudi dernier (27 à 28 décembre) la très controversée « loi des recommandations », qui interdit désormais aux enquêteurs de la police israélienne de livrer leurs recommandations judiciaire au Parquet. Sans surprise, ce sont 59 députés qui ont voté en faveur de ce projet de loi si cher au nouveau président de la Coalition gouvernementale, le député Likoud Doudi Amsallem, et 54 députés s’y sont opposés. De prime abord ce score reflète la victoire de la Coalition, mais il masque un phénomène important qui doit préoccuper le gouvernement Nétanyaou. En effet, cette opposition parlementaire qui a, depuis plus de deux ans et demi, été la risée de l’opinion publique pour son amorphisme et sa torpeur a, durant ces deux jours de débats incessants, réalisé une impressionnante démonstration de force. Face à une coalition qui, plus d’une fois, est apparue désarçonnée et affaiblie, l’opposition conduite par Its’hak Hertzog a su rassembler ses forces vives et menacer le pouvoir. Les députés de Yech Atid et ceux du Camp sioniste ont su s’unir pour entraver le projet des responsables du Likoud.
Seul problème : au lieu de faire fructifier ce capital sympathie dont elle a bénéficié en fin de semaine, l’opposition a eu les yeux plus gros que le ventre. Elle s’est comportée, trois jours plus tard, de manière inacceptable, en tentant de torpiller le vote d’une autre loi : celle visant à confier au ministre de l’Intérieur les prérogatives concernant l’ouverture ou non des supérettes le Chabbat. Cette opposition pourtant conduite par des députés éclairés et tolérants tels que Yaïr Lapid et Its’hak Hertzog, a fait montre d’une certaine cruauté et d’une absence totale de discernement en refusant de compenser la défection incontournable de deux députés de la droite israélienne, tous deux contraints d’être absents de l’hémicycle au moment du vote. Et pourtant, ces deux députés avaient quelques circonstances atténuantes pour justifier leur absence : d’abord, le député Chass David Azoulay était hospitalisé et ses médecins avaient formellement refusé de le libérer pour participer au vote. Mais surtout, le député Likoud Yéhouda Glik venait le matin même de perdre son épouse Yafit, âgée de 51 ans à peine. Au lieu de faire montre d’une certaine compassion envers le député endeuillé, le président du groupe parlementaire travailliste, Yoël Hasson, a donné des consignes pour « profiter » de son absence et entraver le vote de la loi. Une démarche qui a été vivement critiquée par l’opinion publique israélienne, et qui a donné de l’opposition une bien piètre image. A cela, il fallait rajouter l’opposition de principe d’Avigdor Liberman et de son parti laïc Israel Betenou, à une loi qui a un double caractère à la fois religieux et social. Et l’on comprend donc pourquoi, après avoir fait ses calculs, David Amsallem est parvenu à la conclusion qu’il ne disposait pas du nombre de députés suffisant pour faire voter cette loi. Résigné, Amsallem a affirmé que cela n’était que partie remise, et le vote a été reporté à la semaine prochaine. Le chef de l’opposition Hertzog s’est félicité de la capacité de « ses troupes » à inquiéter la coalition : « La brèche ouverte la semaine dernière par le prolongement du débat marathon sur la loi des recommandations s’élargit et prouve les difficultés actuelles de la coalition à continuer à faire voter des lois superflues qui ne servent pas l’intérêt public. Ces projets de loi vont provoquer l’effondrement de la coalition », a dit Hertzog.
Il convient de souligner que le comportement individualiste de Liberman a provoqué certains remous au sein de la coalition gouvernementale, et en particulier au sein des formations orthodoxes, Chass et Judaïsme de la Torah. Les représentants de ces deux formations n’ont pas apprécié que le ministre de la Défense viole la discipline parlementaire et se démarque de la position de la coalition. Cette attitude quelque peu hautaine et détachée de Liberman prouve que la coalition de Nétanyaou perd de sa cohésion de jour en jour. Ce qui ne laisse rien présager de bon pour l’actuel Premier ministre.
Daniel Haïk