Le 4 juillet prochain, au dock Pullman, la communauté juive de France va vivre un moment unique de son histoire : deux des plus grands Tsadikim de notre génération, héritiers des plus prestigieuses lignées ‘hassidiques, vont s’adresser à chacune et à chacun d’entre nous pour nous renforcer, nous éclairer et nous donner des balises pour nous orienter dans cette époque si troublée et si périlleuse, pour nous et nos enfants.
La semaine passée, les lecteurs d’Haguesher ont pu découvrir les origines de ces deux Hassidout et les replacer dans leur contexte historique. Cette semaine, nous voudrions partager eux le caractère exceptionnel de cette rencontre et l’occasion unique de saisir, de voir, de ressentir la pureté et la sainteté de la tradition véhiculée par ces deux Admorim. Cette manifestation s’inscrit dans une volonté de renforcer la communauté juive de France face aux défis qui, chaque jour, se présentent et mettent en cause l’intégrité de la sainteté du Am Israël. Mais ce qui marque le caractère unique d’un tel évènement, c’est qu’il traduit le fondement même de la ‘hassidout en général et de celle de Satmar en particulier : un amour inconditionnel pour chaque juif, quelle que soit son obédience ou affiliation, et la volonté de tout mettre en œuvre pour que cet amour s’exprime par des actes concrets et une mise en place de structures et organisations adéquates.
La ‘hassidout de Psheworsk
Le premier Rebbe était Rabbi Moche Its’hak Gerwirczman (Rabbi Itzikel), élève de Rabbi Sim’ha Yissachar Ber Halberstam de Sitchinov et du Rabbi de Satmar, Rav Yoël Teitelbaum. Il était le fils de Rabbi Naftali Elimélekh, fils de Rabbi Avraham de Gorlice, arrière-petit-fils de Rabbi Elimélekh de Lizensk, auteur du Noam Elimélekh et élève du Maguid de Mezeritch. Après son mariage, il s’installe à Psheworsk, en Pologne. Il a survécu à l’Holocauste et a déménagé à Paris. En 1956, il s’installe à Anvers, où il a vécu jusqu’à sa mort le jour de Yom Kippour 1976 (5737). Son gendre, Rabbi Yaakov Leiser (Rabbi Yankel) lui succéda. Rebbe Yaakov a été à la tête de la ‘hassidout de Psheworsk jusqu’à son décès en 1998, et a été remplacé par son fils Rabbi Leibish Leiser, l’actuel Admour de Psheworsk. En dehors d’Anvers, on retrouve cette ‘hassidout à Londres, Williamsburg et Monsey.
Rabbi Tzikel, compte tenu de son séjour en France de 1949 à 1956, avait un lien particulier avec la communauté juive française. Il s’est occupé d’assurer le soutien financier des institutions d’Aix-les-Bains, de Loubavitch et de Nowardok. Ensuite, il fera avec son gendre de fréquents séjours à Aix-les-Bains pour les vacances.
Reb Pin’has Jung nous raconte : « Ceux qui ont le mérite de se retrouver à Mercatorstraat 56, à Anvers, lorsque Reb Itzikel était présent, ne pouvaient que ressentir l’atmosphère d’élévation, de Chekhina qui régnait dans son Bet Hamidrach. Ils ne pouvaient pas expliquer ce qu’ils ressentaient, ils pouvaient difficilement le comprendre, mais il était absolument clair qu’ils étaient en présence de l’un des géants spirituels de la génération – en fait des deux dernières générations. Il est impossible de décrire ce qui était le plus impressionnant : ses mouvements minutieux, la simplicité extérieure de sa prière ou la profondeur de sa Dveikout [ferveur] qui se lisait sur son visage. Nous savions qu’il excellait à dissimuler sa vraie Gadlout [grandeur] – un tsaddik nistar [un juste caché] pour tout ce que ce terme implique – connu et aimé par des milliers d’admirateurs, reconnus par les Tsaddikim du passé et les générations contemporaines comme un homme unique dans tous les sens. Peu étaient au courant qu’il connaissait le Chass [Talmud] par cœur ; personne ne savait le texte qu’il ajoutait silencieusement avant le Kiddouch chaque vendredi soir. Mais nous savions tous, sans le moindre doute, qu’était ici un homme dont le Dveikout constante faisait partie de sa personnalité » (Jewish Observer 1976).
La ‘hassidout Satmar
On peut remonter les origines de cette ‘hassidout jusqu’au ‘Hozé de Lublin. Un de ses disciples fut Rabbi Moché Teitelbaum de Ujhely, auteur du Yisma’h Moché. Son petit-fils sera Rabbi Yéhouda Yekoutiel Teitelbaum de Sighet, auteur du Yétev Lev. Son fils sera Rabbi Yom Tov ‘Hananya Lipa Teitelbaum de Sighet, auteur du Kédouchat Yom Tov. On en arrive à Rabbi Yoël Teitelbaum (1887-1979), le Rabbi de Satmar, auteur notamment du Divré Yoël et de Vayoël Moché, plus jeune fils du Kédouchat Yom Tov. Rabbi Moché Teitelbaum (1914-2006), Rabbi de Sighet, succéda à Rabbi Yoël, et devint Rabbi de Satmar ; il est l’auteur du Berakh Moché. Rabbi Yekoutiel Yéhouda – Zalman Leib – Teitelbaum, lui succède comme Admour de Satmar.
Le Satmar Rebbe, Rabbi Yoël zatsal passa par la France lors de ses quatre séjours en Erets Israël : 1952, 1955, 1959, 1965. Il a ainsi tissé des liens avec Rav Its’hak ‘Haïm Chajkin, Rav Lipman, et le Rouv, Rav Rottenberg.
De nombreuses institutions communautaires ont été créées au fil des années par la ‘haddidout Satmar. Bikour ‘Holim (« visite des malades »), créée en 1957 par l’épouse de Rav Yoël, Alte Feiga, s’occupe d’aider les Juifs hospitalisés sans tenir compte de leur affiliation. Rav Touv, fondé dans les années 1950 pour aider les juifs d’Union soviétique, aide principalement les juifs d’Iran et du Yémen. Keren Hatsalah est un fonds de bienfaisance pour soutenir les Yéchivot et les pauvres d’Israël. Rabbi Yoël Teitelbaum a fondé un réseau de grands établissements d’enseignement, de Yéchivot et d’écoles. Ses écoles à New York représentent l’équivalent du quatrième réseau scolaire après ceux publics de New York City, Buffalo et Rochester. Dans la plupart des endroits, les écoles des filles s’appellent Bet Ra’hel et les Yéchivot Torah Véyira. En 1953, Rabbi Teitelbaum a fondé le Congrès Central Rabbinique des États-Unis et du Canada, qui fournit divers services, y compris une supervision de casherout.
Ceux qui l’on connut se rappellent de lui d’abord comme un géant en matière de ‘hessed. Le désir de se donner aux autres (peu importe qu’il s’agisse de membres de sa communauté ou non) était quelque chose qu’il communiquait à ses ‘hassidim de manière beaucoup plus intense que ses pensées profondes. Les résultats sont évidents quand l’on regarde la multitude d’organisations que cette communauté a développée et qui existent uniquement dans le but d’aider les personnes dans le besoin, quelle que soit leur appartenance.
Une anecdote pour conclure : en 1968, le Satmar Rebbe a subi un AVC. Cela aurait pu lui être fatal, mais il s’en est sorti en gardant quelques séquelles. Quand il a repris connaissance, la première question qu’il a posée à son neveu, Rabbi Moché, a été : « Comment vont les enfants ? » Rav Moché, pensant qu’il s’agissait de ses propres enfants, a rassuré le Rabbi de Satmar sur leur bonne santé. Rav Yoël lui expliqua alors qu’il s’inquiétait des juifs du Maroc, qui étaient sur le point de quitter le Maroc : comment vont-ils ? comment se passe leur départ spirituellement ? Tel était le Satmar Rebbe, un amour incommensurable pour l’autre, quel que soit son origine.
Aussi, quand deux Géants arrivent dans une ville, ne doit-on pas se déplacer pour les accueillir et les écouter ? Plus que cela, la possibilité unique et extraordinaire de voir « en live » des Guedolim, d’être infusés par leur Kédoucha, ne doit pas se refuser. C’est une chance incroyable qui est donnée à chacun et chacune d’entre nous de recevoir des brakhot, mais surtout d’être éclairés sur les défis et pièges que notre époque nous tend, à nous et à nos enfants.
Ce rendez-vous n’est pas un simple évènement – c’est l’occasion de prendre rendez-vous avec nous-mêmes, en comprenant les traces de nos pères. « Si tu ne sais pas comment être épargné et que tes enfants ne soient pas perdus, scrute la voie tracée par tes pères et suis-la » (Rachi sur Chir Hachirim 1, 8).