Avant même d’accéder à la présidence de la Haute-Cour, Aaron Barak avait décidé de faire d’elle le Contrôleur général du comportement de l’armée en Judée et Samarie. Et ce, au nom de l’idéal démocratique de protection de « l’équilibre entre la sécurité nationale et les droits individuels ». Voici quelques exemples d’arrêtés célèbres illustrant cette orientation forcenée et idéologiquement marquée…
La Cour suprême a statué dans des dossiers aussi divers que les contestations – par les Palestiniens et des associations et ONG – du tracé de la frontière de sécurité anti-attentats érigée à partir de 2003 en Judée-Samarie, les démolitions de maisons des terroristes ayant perpétré des attentats, les détentions administratives, les assignations à résidence ou les expulsions. Autant de sujets ayant un rapport direct aux actions et opérations militaires de Tsahal dans la lutte anti-terroriste :
En 1986, dans l’arrêté sur l’affaire Barzilaï, le juge affirme clairement que « le droit est un fondement de la sécurité israélienne ». Le juge Barak dira même que « les lois ne sont pas silencieuses sur le champ de bataille ». C’est la première fois, la Cour entame ici une réflexion sur les principes censés limiter certaines méthodes de l’armée comme les « éliminations ciblées » de terroristes ou bien encore la tactique militaire appelée en hébreu « nohal cha’hen » (la procédure du voisin) consistant, pour les soldats de Tsahal en pleine opération d’arrestations, à entrer dans les maisons des suspects terroristes en se servant de l’un de leurs voisins comme « couverture » afin d’éviter que les suspects recherchés n’ouvrent le feu sur eux dès leur entrée.
En 1988, l’arrêté dans l’affaire Schitzer énonce que toutes les décisions prises pour défendre la sécurité du pays par les différentes instances politiques et militaires nationales peuvent et doivent être contrôlées par le juge. Véritable tournant, cet arrêt institua le principe du contrôle du judicaire sur la gestion de la sécurité d’Israël en posant des limites dans différents domaines ayant trait à l’éthique militaire: méthodes employées par les services internes de sécurité et Tsahal lors de leurs interrogatoires de suspects terroristes, obligations humanitaires dans les territoires disputés au regard du droit international, etc.
En 1994, un autre arrêt-clé des juges Landau et Barak considère que contrairement à ce qui était admis jusque-là, « l’usage modéré de pressions physiques » exercées à l’encontre des complices d’attentats terroristes doit être rejeté, même si c’est le seul moyen d’obtenir des informations vitales pour la sécurité du pays, car « ces méthodes sont illégales ». Mais la Cour a fixé 2 critères pour tenir compte de l’argument opposé par le pouvoir exécutif dans les cas d’« absolue nécessité sécuritaire » en retenant 2 exceptions à ce rejet de la torture contre les terroristes : dans les cas de préparation immédiate d’un attentat terroriste (ptsatsa metaktékèt) et quand existe « un besoin immédiat de préservation de la vie humaine ».
En 2005, l’arrêt fondamental rendu par le président Barak dans l’affaire Adala statue définitivement sur le « nohal chakhen » en disant qu’il s’agit d’une méthode « contraire au droit international et aux Conventions de Genève. Barak stipule dans cet arrêt que les démocraties sont amenées à « combattre le terrorisme une main attachée dans le dos (…), et l’autre devant contribuer à préserver le droit et à assurer le respect des libertés individuelles, puisqu’ils constituent les fondements mêmes de la sécurité nationale ». Après plusieurs recours palestiniens pour invalider cette pratique, Barak refusa la mise hors-la-loi des éliminations, mais préconisa « l’examen obligatoire, cas par cas, de son application ».
Le gouvernement et Tsahal ne sont donc plus les seuls maîtres de l’application des techniques de combat et des modes opératoires dans la lutte existentielle du pays contre les groupes terroristes palestiniens.
Richard Darmon